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CHANT NEUVIÈME[1]

ARGUMENT
Description du temple de l’Amour : la Discorde implore son pouvoir pour amollir le courage de Henri IV. Ce héros est retenu quelque temps auprès de Mme d’Estrées, si célèbre sous le nom de la belle Gabrielle. Mornay l’arrache à son amour, et le roi retourne à son armée.


Sur les bords fortunés de l’antique Idalie[2],
Lieux où finit l’Europe et commence l’Asie,
S’élève un vieux palais[3] respecté par les temps :
La Nature en posa les premiers fondements ;
Et l’art, ornant depuis sa simple architecture,
Par ses travaux hardis surpassa la nature.
Là, tous les champs voisins, peuplés de myrtes verts[4],
N’ont jamais ressenti l’outrage des hivers.
Partout on voit mûrir, partout on voit éclore
Et les fruits de Pomone et les présents de Flore ;

  1. Ce chant était le huitième dans l'édition de 1723. Il est imité du dixième livre de l’Odyssée, du quatrième de l’Enéide, du quinzième et du seizième de la Jérusalem délivrée, du neuvième des Lusiades, du huitième de Télémaque, etc. (B.) — On remarquera également avec quelle réserve, quelle pudeur même, le poëte peint les amours de Henri et de Gabrielle. Il laisse deviner plutôt qu'il ne montre. C'est faire ce qu'il conseille, au chapitre v de son Essai sur la poésie épique, à propos, du Trissin et de son poème. (G. A.)
  2. Dans son opéra de Samson (prologue, vers 1), Voltaire avait dit :
    Sur les bords fortunés embellis par la Seine.
  3. Cette description du temple de l'Amour, et la peinture de cette passion personnifiée, sont entièrement allégoriques. On a place en Chypre le lieu de la scène, comme on a mis à Rome la demeure de la Politique, parce que les peuples de l'île de Chypre ont de tout temps passé pour être adonnés à l'amour, de même que la cour de Rome a eu la réputation d'être la cour la plus politique de l'Europe.

    On ne doit point regarder ici l'Amour comme fils de Venus et comme un dieu de la fable, mais comme une passion représentée avec tous les plaisirs et tous les désordres qui l'accompagnent. (Note de Voltaire, 1730.)
  4. Imitation de Segrais :
    Dans un bois écarté dont les ombrages verts
    Ne sentirent jamais la rigueur des hivers.