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Mérita, dans Sedan, la puissance et le nom[1] ;
Puissance malheureuse et trop mal conservée,
Et par Armand[2] détruite aussitôt qu’élevée.
Essex avec éclat paraît au milieu d’eux,
Tel que dans nos jardins un palmier sourcilleux,
À nos ormes touffus mêlant sa tête altière,
Paraît s’enorgueillir de sa tige étrangère.
Son casque étincelait des feux les plus brillants
Qu’étalaient à l’envi l’or et les diamants,
Dons chers et précieux dont sa fière maîtresse
Honora son courage, ou plutôt sa tendresse.

    aussi quelquefois acheter; conduite qu'un ministre même très-corrompu n'oserait avouer de nos jours. Tous deux n'encouragèrent de même les manufactures que par des dons et des privilèges. Ils ne songèrent ni l'un ni l'autre à rendre moins onéreuses les lois fiscales : si elles furent moins dures sous Sully, il faut moins en faire honneur à son caractère qu'aux circonstances, qui n'auraient point permis cet abus de l'autorité royale. En un mot, Sully fut un homme vertueux pour son siècle, parce qu'on n'eut à lui reprocher aucune action regardée dans son siècle comme vile ou criminelle ; mais on ne peut dire qu'il fut un grand ministre, et encore moins le proposer pour modèle. Un général qui, de nos jours, ferait la guerre comme du Guesclin serait vraisemblablement battu. Sully eut des défauts et des faiblesses. Ami de Henri IV, il était trop jaloux de sa faveur; fier avec les grands ses égaux, il eut avec ses inférieurs toutes les petitesses de la vanité : sa probité était incorruptible; mais il aimait à s'enrichir, et ne négligea aucun des moyens regardés alors comme permis. Obligé de se retirer après la mort de Henri ]V, il eut la faiblesse de regretter sa place, et de se conduire en quelques occasions comme s'il eût désiré d'avoir part au gouvernement incertain et orageux de Louis XIII. Il est vrai que le mot célèbre cité par M. de Voltaire est une belle réParation de cette faiblesse, si pourtant elle est aussi réelle que l'ont prétendu ses ennemis. ] Nangis, homme d'un grand mérite et d'une véritable vertu : il avait conseillé à Henri III de ne point faire assassiner le duc de Guise, mais d'avoir le courage de le juger selon les lois. Grillon était surnommé le Brave. Il offrit à Henri IV de se battre contre ce même duc de Guise. C'est à ce Grillon que Henri le Grand écrivit : « Pends-toi, brave Grillon; nous avons combattu à Arques, et tu n'y étais pas... Adieu, brave Grillon; je vous aime à tort et à travers. » (Note de Voltaire, 1730.)

  1. Henri de La Tour d'Orliègues, vicomte de Turenne, maréchal de France. Henri le Grand le maria à Charlotte de La Mark, princesse de Sedan, en 1591. La
    nuit de ses noces, le maréchal alla prendre Stenay d'assaut. (Id., 1730.)
  2. La souveraineté de Sedan, acquise par Henri de Turenne, fut perdue par Frédéric- Maurice, duc de Bouillon, son fils, qui, ayant trempé dans la conspiration de Cinq-Mars contre Louis XIII, ou plutôt contre le cardinal de Richelieu, donna Sedan pour conserver sa vie : il eut, en échange de sa souveraineté, de très-grandes terres, plus considérables en revenu, mais qui donnaient plus de richesses et moins de puissance. (Id., 1730.)