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Facile et non pas faible, ardent, plein de génie,
Trop ami des plaisirs, et trop des nouveautés,
Remuant l’univers du sein des voluptés.
Par des ressorts nouveaux sa politique habile
Tient l’Europe en suspens, divisée et tranquille.
Les arts sont éclairés par ses yeux vigilants ;
Né pour tous les emplois, il a tous les talents,
Ceux d’un chef, d’un soldat, d’un citoyen, d’un maître :
Il n’est pas roi, mon fils ; mais il enseigne à l’être. »
Alors dans un nuage, au milieu des éclairs,
L’étendard de la France apparut dans les airs ;
Devant lui d’Espagnols une troupe guerrière
De l’aigle des Germains brisait la tête altière.
Ô mon père, quel est ce spectacle nouveau ?
Tout change, dit Louis, et tout a son tombeau.
Adorons du Très-Haut la sagesse cachée.
Du puissant Charles-Quint la race est retranchée.
L’Espagne, à nos genoux, vient demander des rois :
C’est un de nos neveux qui leur donne des lois.
Philippe… » À cet objet, Henri demeure en proie
À la douce surprise, aux transports de sa joie.
« Modérez, dit Louis, ce premier mouvement ;
Craignez encor, craignez ce grand événement.
Oui, du sein de Paris, Madrid reçoit un maître :
Cet honneur à tous deux est dangereux peut-être.
Ô rois nés de mon sang ! ô Philippe ! ô mes fils !
France, Espagne, à jamais puissiez-vous être unis !
Jusqu’à quand voulez-vous, malheureux politiques,
Allumer les flambeaux des discordes publiques[1] ? »
Il dit. En ce moment le héros ne vit plus
Qu’un assemblage vain de mille objets confus.
Du temple des Destins les portes se fermèrent,
Et les voûtes des cieux devant lui s’éclipsèrent.
L’Aurore cependant, au visage vermeil,
Ouvrait dans l’orient le palais du Soleil :
La Nuit en d’autres lieux portait ses voiles sombres ;

  1. Dans le temps que cela fut écrit, la branche de France et la branche d'Espagne semblaient désunies. (Note de Voltaire, 1737.)