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Dans le centre éclatant de ces orbes immenses,
Qui n’ont pu nous cacher leur marche et leurs distances[1],
Luit cet astre du jour, par Dieu même allumé[2],
Qui tourne autour de soi sur son axe enflammé :
De lui partent sans fin des torrents de lumière :
Il donne, en se montrant, la vie à la matière,
Et dispense les jours, les saisons, et les ans,
À des mondes divers autour de lui flottants.
Ces astres, asservis à la loi qui les presse,
S’attirent dans leur course[3], et s’évitent sans cesse,
Et, servant l’un à l’autre et de règle et d’appui,
Se prêtent les clartés qu’ils reçoivent de lui.
Au delà de leur cours, et loin dans cet espace
Où la matière nage, et que Dieu seul embrasse,
Sont des soleils sans nombre, et des mondes sans fin.
Dans cet abîme immense il leur ouvre un chemin.
Par delà tous ces cieux le Dieu des cieux réside[4].
C’est là que le héros suit son céleste guide ;
C’est là que sont formés tous ces esprits divers
Qui remplissent les corps et peuplent l’univers.
Là sont, après la mort, nos âmes replongées,
De leur prison grossière à jamais dégagées.
Un juge incorruptible y rassemble à ses pieds
Ces immortels esprits que son souffle a créés.
C’est cet être infini qu’on sert et qu’on ignore :

  1. Voici un des plus admirables morceaux de poésie française que nous connaissions. C'était pour la première fois, depuis Lucrèce, que les idées scientifiques se trouvaient exprimées en aussi beaux vers. Ce tableau du système du monde est en partie relatif à la gravitation, et fit événement dans cette société encore tout entichée des tourbillons de Descartes. (G. A.)
  2. Dans le quatrième Discours sur l'homme, Voltaire a dit :
    Notre globe entraîné
    Se meut autour de soi, sur son axe incliné.
  3. Que l'on admette ou non l'attraction de M. Newton, toujours demeure-t-il certain que les globes célestes, s'approchant et s'éloignant tour à tour, paraissent s'attirer et s'éviter. (Note de Voltaire, 1730.)
  4. Voltaire, en citant ce vers et les quatre qui le précèdent dans les Adorateurs, ajoute : « J'aurais mieux aimé que l'auteur eût dit :
    Dans ces cieux infinis le Dieu des cieux réside. »
    Mais ce vers ne se trouve dans aucune des éditions que j'ai vues de la Henriade.