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Que viens-tu m’annoncer dans ce séjour d’horreur[1] ? »
Alors il entendit ces mots pleins de douceur :
« Je suis cet heureux roi que la France révère,
Le père des Bourbons, ton protecteur, ton père ;
Ce Louis qui jadis combattit comme toi,
Ce Louis dont ton cœur a négligé la foi,
Ce Louis qui te plaint, qui t’admire, et qui t’aime.
Dieu sur ton trône un jour te conduira lui-même ;
Dans Paris, ô mon fils ! tu rentreras vainqueur,
Pour prix de ta clémence, et non de ta valeur.
C’est Dieu qui t’en instruit, et c’est Dieu qui m’envoie. »
Le héros, à ces mots, verse des pleurs de joie.
La paix a dans son cœur étouffé son courroux ;
Il s’écrie, il soupire, il adore à genoux.
D’une divine horreur son âme est pénétrée :
Trois fois il tend les bras à cette ombre sacrée ;
Trois fois son père échappe à ses embrassements,
Tel qu’un léger nuage écarté par les vents[2].
Du faîte cependant de ce mur formidable,
Tous les ligueurs armés, tout un peuple innombrable,
Étrangers et Français, chefs, citoyens, soldats,
Font pleuvoir sur le roi le fer et le trépas.
La vertu du Très Haut brille autour de sa tête,
Et des traits qu’on lui lance écarte la tempête.
Il vit alors, il vit de quel affreux danger
Le père des Bourbons venait le dégager.
Il contemplait Paris d’un œil triste et tranquille :
« Français, s’écria-t-il, et toi, fatale ville,
Citoyens malheureux, peuple faible et sans foi,
Jusqu’à quand voulez-vous combattre votre roi ? »
Alors, ainsi que l’astre auteur de la lumière,

  1. « Il faut admirer, dit M. Villemain, la belle fiction de saint Louis apparaissant sur la brèche des remparts de Paris pour arrêter le vainqueur. Le langage est vraiment épique. »
  2. On lit dans Virgile, Æn., II, 792-794 :
    Ter conatus ibi collo dare brachia circum ;
    Ter frustra comprensa manus effugit imago,
    Par levibus ventis, volucrique simillima somno.

    Cette imitation de ces vers de Virgile était, en 1723, dans le chant VI (qui depuis 1728 est le septième); voyez les variantes du chant VII, vers 265.