Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/176

Cette page n’a pas encore été corrigée

Henri vole à leur tête, et monte le premier.
Il monte : il a déjà, de ses mains triomphantes,
Arboré de ses lis les enseignes flottantes.
Les ligueurs, devant lui, demeurent pleins d’effroi :
Ils semblaient respecter leur vainqueur et leur roi.
Ils cédaient, mais Mayenne à l’instant les ranime :
Il leur montre l’exemple, il les rappelle au crime :
Leurs bataillons serrés pressent de toutes parts
Ce roi dont ils n’osaient soutenir les regards.
Sur le mur, avec eux, la Discorde cruelle[1]
Se baigne dans le sang que l’on verse pour elle.
Le soldat, à son gré, sur ce funeste mur,
Combattant de plus près, porte un trépas plus sûr.
Alors on n’entend plus ces foudres de la guerre,
Dont les bouches de bronze épouvantaient la terre ;
Un farouche silence, enfant de la fureur,
À ces bruyants éclats succède avec horreur.
D’un bras déterminé, d’un œil brûlant de rage[2],
Parmi ses ennemis chacun s’ouvre un passage.
On saisit, on reprend, par un contraire effort,
Ce rempart teint de sang, théâtre de la mort.
Dans ses fatales mains la victoire incertaine
Tient encor près des lis l’étendard de Lorraine.
Les assiégeants surpris sont partout renversés,
Cent fois victorieux, et cent fois terrassés ;
Pareils à l’Océan poussé par les orages,
Qui couvre à chaque instant et qui fuit ses rivages.
Jamais le roi, jamais son illustre rival,
N’avaient été si grands qu’en cet assaut fatal :
Chacun d’eux, au milieu du sang et du carnage,
Maître de son esprit, maître de son courage,
Dispose, ordonne, agit, voit tout en même temps,
Et conduit d’un coup d’œil ces affreux mouvements.
Cependant des Anglais la formidable élite,

  1. Imitation d'Homère, Iliade, livre XII.
  2. Imitation de Racine (Thébaide, acte V, scène iii) :
    D'un geste menaçant, d'un œil brûlant de rage,
    Dans le sein l'un de l'autre ils cherchent un passage.

    Ce dernier vers est, à un mot près, reproduit dans le chant VIII, vers 246.