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Mais que dis-je ! Il s’arrête, il montre aux assiégeants,
Il montre encor ce front redouté si longtemps.
Des siens qui l’entraînaient, fougueux, il se dégage :
Honteux de vivre encore, il revole au carnage,
Il arrête un moment son vainqueur étonné ;
Mais d’ennemis bientôt il est environné.
La mort allait punir son audace fatale.
La Discorde le vit, et trembla pour d’Aumale.
La barbare qu’elle est a besoin de ses jours :
Elle s’élève en l’air, et vole à son secours.
Elle approche ; elle oppose au nombre qui l’accable
Son bouclier de fer, immense, impénétrable,
Qui commande au trépas, qu’accompagne l’horreur,
Et dont la vite inspire ou la rage ou la peur.
Ô fille de l’enfer ! Discorde inexorable,
Pour la première fois tu parus secourable !
Tu sauvas un héros, tu prolongeas son sort,
De cette même main, ministre de la mort,
De cette main barbare, accoutumée aux crimes,
Qui jamais jusque-là n’épargna ses victimes.
Elle entraîne d’Aumale aux portes de Paris,
Sanglant, couvert de coups qu’il n’avait point sentis.
Elle applique à ses maux une main salutaire ;
Elle étanche ce sang répandu pour lui plaire :
Mais tandis qu’à son corps elle rend la vigueur,
De ses mortels poisons elle infecte son cœur.
Tel souvent un tyran, dans sa pitié cruelle,
Suspend d’un malheureux la sentence cruelle ;
À ses crimes secrets il fait servir son bras,
Et, quand ils sont commis, il le rend au trépas.
Henri sait profiter de ce grand avantage,
Dont le sort des combats honora son courage.
Des moments dans la guerre il connaît tout le prix[1] :
Il presse au même instant ses ennemis surpris ;
Il veut que les assauts succèdent aux batailles ;
Il fait tracer leur perte autour de leurs murailles.
Valois, plein d’espérance, et fort d’un tel appui,

  1. Racine avait dit, dans Athalie, acte III, scène III :
    Et d'un instant perdu connaissait tout le prix.