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Répand dans les esprits son courage orgueilleux.
D’Aumale est du parti le bouclier terrible ;
Il a jusqu’aujourd’hui le titre d’invincible :
Mayenne, qui le guide au milieu des combats,
Est l’âme de la Ligue, et l’autre en est le bras.
« Cependant des Flamands l’oppresseur politique,
Ce voisin dangereux, ce tyran catholique,
Ce roi, dont l’artifice est le plus grand soutien,
Ce roi, votre ennemi, mais plus encor le mien,
Philippe[1], de Mayenne embrassant la querelle,
Soutient de nos rivaux la cause criminelle ;
Et Rome[2], qui devait étouffer tant de maux,
Rome de la discorde allume les flambeaux :
Celui qui des chrétiens se dit encor le père
Met aux mains de ses fils un glaive sanguinaire.
« Des deux bouts de l’Europe, à mes regards surpris,
Tous les malheurs ensemble accourent dans Paris.
Enfin, roi sans sujets, poursuivi sans défense,
Valois s’est vu forcé d’implorer ma puissance.
Il m’a cru généreux, et ne s’est point trompé :
Des malheurs de l’État mon cœur s’est occupé ;
Un danger si pressant a fléchi ma colère ;
Je n’ai plus, dans Valois, regardé qu’un beau-frère :
Mon devoir l’ordonnait, j’en ai subi la loi ;
Et roi, j’ai défendu l’autorité d’un roi.
Je suis venu vers lui sans traité, sans otage[3] :
Votre sort, ai-je dit, est dans votre courage ;

  1. Philippe II, roi d'Espagne, fils de Charles-Quint. On l'appelait le Démon du midi, demonium meridianum, parce qu'il troublait toute l'Europe, au midi de laquelle l'Espagne est située. Il envoya de puissants secours à la Ligue, dans le dessein de faire tomber la couronne de France à l'infante Claire-Eugénie, ou à quelque prince de sa famille. (Note de Voltaire, 1730.)
  2. La cour de Rome, gagnée par les Guises, et soumise alors à l'Espagne, fit ce qu'elle put pour ruiner la France. Grégoire XIII secourut la Ligue d'hommes et d'argent; et Sixte-Quint commença son pontificat par les excès les plus grands, et heureusement les plus inutiles, contre la maison royale, comme on peut voir aux remarques sur le premier chant. (Id., 1730.)
  3. Henri IV, alors roi de Navarre, eut la générosité d'aller à Tours voir Henri III, suivi d'un page seulement, malgré les défiances et les prières de ses vieux officiers, qui craignaient pour lui une seconde Saint-Barthélémy. (Id., 1730.)