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536 DISSERTATION DU TRADUCTEUR

Un homme qui n’avait lu aucun autour dans une langue (■’trangôro aurait-il imité V/Jc)-(iclius de Corneille, pour le travestir (["une manière si horrible ? Aucun écrivain espagnol ne traduisit, n’imita jamais un auteur français, jus([u au règne de Piiilippe \ ; et ce n’est même que vers Tannée 1725 qu’on a commencé en Espagne à traduire quelques-uns de nos livres de physique : nous, au contraire, nous prîmes plus de quarante pièces dramatiques des Espagnols, du temps de Louis \lli et de Louis XIV. Pierre Corneille commença par traduire tous les beaux endroits du Cid ; il traduisit le Menteur, la suite du Menteur ; il imita Don Sanche d’Aragon. N’est-il pas bien vraisemblable qu’ayant vu quelques morceaux de la pièce de Calderon, il les ait insérés dans son Héradius, et qu’il ait embelli le fond du sujet ? Molière ne prit-il pas deux scènes du Pédant joué de Cyrano de Bergerac, son compatriote et son contemporain ?

Il est bien naturel que Corneille ait tiré un peu d’or du fumier de Calderon ; mais il ne l’est pas que Calderon ait déterré l’or de Corneille pour le changer en fumier.

L’HcracUus espagnol était très-fameux en Espagne, mais très-inconnu à Paris. Les troubles qui furent suivis de la guerre de la Fronde commencèrent en 16/i5. La guerre des auteurs se faisait quand tout retentissait des cris : Point de Mazarln. Pouvait-on s’aviser de faire venir une tragédie de Madrid pour faire de la peine à Corneille ? et quelle mortification lui aurait-on donnée ? 11 aurait été avéré qu’il avait imité sept ou huit vers d’un ouvrage espagnol. Il l’eût avoué alors, comme il avait avoué ses traductions de Guillem de Castro, quand on les lui eut injustement reprochées, et comme il avait avoué la traduction du Menteur. C’est rendre service à sa patrie que de faire passer dans sa langue les beautés d’une langue étrangère. S’il ne parle pas de Calderon dans son examen, c’est que le peu de vers traduits de Calderon ne valait pas la peine qu’il en parlât.

11 dit dans cet examen que son Héradius est un a original dont il s’est fait depuis de belles copies », 11 entend toutes nos pièces d’intrigue où les héros sont méconnus. S’il avait eu Calderon en vue, n’aurait-il pas dit que les Espagnols commençaient enfin à imiter les Français, et leur faisaient le même honneur qu’ils en avaient reçu ? Aurait-il surtout appelé VHéradius de Calderon une belle copie ?

On ne sait pas précisément en quelle année la Famosa Comedia fut jouée ; mais on est sûr que ce ne peut être plus tôt qu’en 1637, et plus tard qu’en 16/jO. Elle se trouve citée, dit-on, dans