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580 LA COMKDIE FAMEUSE.

et Libia vous auront dit où j’étais, car elles vous auront trouvés à leur ordinaire au son de la musique. Soyez les bienvenus.

Tous les chasseurs derrière le théâtre.

Allons tous, allons tous ; nous les découvrirons ici.

Les dames arrivent avec les deux paysans gracieux et une suite nombreuse. Les paysans gracieux sont fort étonnés de voir qu’Hcraclius et Lconide n’ont plus leurs beaux habits.

Quavez-vous fait (dit un des gracieux) de tous ces ornements, de ces belles plumes, de ces joyaux ?

LÉ ON IDE.

Je n’en sais rien.

Les dames font des compliments à Phocas sur le bonheur qu’il a eu d’échapper au tigre. Les deux paysans gracieux soutiennent à Hcraclius et à Lconide qu’ils les ont vus dans un beau palais ; ni l’un ni l’autre n’en veulent convenir.

PHOCAS.

Quoi qu’il en soit de ce palais, qui sans doute est un enchantement, j’ai déjà dit que j’aimais mieux vous faire du bien à l’un et à l’autre que de me venger de l’un des deux ; allons-nous-en dans un autre palais, où vous changerez vos vêtements de sauvages en habits royaux, et où nous ferons des festins et des réjouissances.

LÉONIDE.

ciel ! sera-ce une fiction ? et ce que nous avons vu était-il une vérité ? Quel est le certain ? quel est l’incertain ? Je n’y conçois rien ; mais n’importe, allons-nous-en où nous serons bien logés, pompeusement vêtus, et bien servis : que ce soit une vérité ou un mensonge, qui jouit, jouit ; soit que les choses soient vraies ou non, je me jette à tes pieds, je baise ta main pour l’honneur que je reçois.

PHOCAS.

Léonide parle très-sagement. Et toi, Héraclius, ne me remercies-tu pas des grâces que je te fais ?

HÉRACLIUS.

Non, seigneur ; quand je vois que la pourpre et l’émail de Tyr ne causent que des peines, et que les pompes royales sont si passagères qu’on ne sait si elles sont un mensonge ou une vérité, je vous prie de me rendre à ma première vie. Habitant des montagnes, compagnon des bêtes sauvages, citoyen des précipices, je n’envie point ces grandeurs qui paraissent et qui disparaissent, et qu’on ne sait si elles sont vraies ou fausses.