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TROISIÈME JOURNÉE. o17

IIKRACLIUS.

Eli seigneur ! quand je mets à vos pieds, non-seulement ce poignard mais aussi ma vie, pourquoi vous fais-je peur ?

PHOCAS.

Lisippo, Cintia, Libia, puisque vous êtes mes amis et mes commensaux, sachez qu’Héraclius me veut faire périr.

HÉRACLIUS.

Ail ! si une fois ils en sont persuadés, ils me tueront. Ah, ciel ! où m’enfuirai-je dans un si grand péril ?

Il s’en va, et on le laisse aller.

PHOCAS, quand Héraclius est parti.

Défendez-moi contre lui.

LÉONIDE.

(À part.)

3Ioi, seigneur, je vous défendrai. Dieu merci, j’en suis tiré… Oui, seigneur, je le suivrai ; son châtiment sera égal à sa trahison ; je lui donnerai mille morts.

PHOCAS.

Cours, Léonide ; la fuite du traître est un nouvel indice de son crime.

LISIPPO, LES FEMMES.

Quel mal vous prend subitement, seigneur ?

PHOCAS.

Je ne sais ce que c’est ; c’est une léthargie, un évanouissement, un tourne ment de tête, un spasme, une frénésie, une angoisse ; mes idées sont toutes troublées ; je ne sais si c’est un songe, si tout cela est vrai ou faux. C’est un crépuscule de la vie ; je ne suis ni mort ni vivant ; chacun d’eux prétend qu’il voulait me sauver au lieu de me tuer. Je ne sais quoi me dit au fond du cœur qu’Héraclius est coupable, et que, si Léonide ne m’avait secouru, Hérachus se serait baigné dans mon sang. Je jurerais que cet Héraclius est le fils de Maurice ; toute ma colère crève sur lui. Dites-moi ce que vous en pensez, et si je juge bien ou mal.

CINTIA.

Tout cela est si obscur qu’on ne peut pas juger de leur intention ; il faut les entendre : notre jugement ne peut atteindre à ce qui n’est pas sur les lèvres.

PHOCAS, à Lisippo.

Et toi, magicien, ne nous diras-tu rien sur cette étrange aventure ?