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HERACLIUS.

PHOCAS.

516 LA COMEDIE FAMEUSE.

une secrète inclination pour Pliocas, Un empire ne vaut-il pas mieux que cette secrète inclination ? Sans doute ; donc, qu’est-ce que je crains ? pourquoi rosté-je en suspens ?

HERACLIUS.

Que prétend là Léonide ?

Léonide tire ici son poignard, Héraclius tire le sien, et Phocas, qui était endormi, s’éveille.

LÉO-NIDE.

Qu’il meure !

Quil ne meure pas !

Qu’est-ce que je vois ?

LÉONIDE.

Tu vois qu Héraclius voulait te donner la mort, et que c’est moi qui me suis opposé à sa fureur.

HÉRACLIUS.

C’est Léonide qui voulait t’assassiner, et c’est moi qui te sauve la vie.

PHOCAS.

Ail ! malheureux ! je ne suis ni endormi ni éveillé ; j’entends crier : « Qu’il meure ! » j’entends crier : « Qu’il ne meure pas !)> Je confonds ces deux voix ; aucune n’est distincte ; ce sont deux mé- taux fondus ensemble que je ne peux démêler : il m’est impossible de rien décider. Si je m’arrête à l’action et aux paroles, tout est égal de part et d’autre ; chacun d’eux a un poignard dans la main.

HÉRACLIUS.

Je me suis armé de ce poignard, quand j’ai vu que Léonide tirait le sien pour te frapper.

PHOCAS.

Prenons garde ; je ne peux, il est vrai, porter un jugement assuré sur les voix que j’ai entendues, sur l’action que j’ai vue : mais l’épouvante que j’ai ressentie dans mon cœur me dit par des cris étouffés que c’est toi, Héraclius, qui est le traître. Le fer que j’ai vu briller dans ta main, ce couteau, cet acier, le fil de ce poignard, font hérisser mes cheveux sur ma tête. Défends-moi, Léonide ; toute ma valeur tremble encore à l’idée de cette fureur, de cette aveugle hardiesse, de cette sanglante audace ; il me semble que je le. vois encore escrimer avec cet aspic de métal et ces regards de basilic.