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40 ÉPITRE DÉDICATOIRE.

Quoi qu’il on soit, c’ost à vous, monsieur le duc, et à vos amis, à décider si cette première tragédie régulière qui ait paru sur le théâtre de France mérite d’y remonter encore. Elle fit les délices de cette illustre maison de Montmorency ; c’est dans son hôtel qu’elle fut faite ; c’est la première tragédie qui fut repré- sentée devant Louis XIII. Messieurs les premiers gentilshommes de la chamhre, qui dirigent les spectacles de la cour, peuvent protéger ce premier monument de la gloire littéraire de la France, et se faire un plaisir de voir nos ruines réparées.

Le cinquième acte est trop court ; mais le cinquième (VAtlialir n’est pas beaucoup plus long ; et d’ailleurs peut-être vaut-il mieux avoir à se plaindre du peu que du trop. Peut-être la coutume de remplir tous les actes de trois à quatre cents vers entraîne-t-elle des langueurs et des inutilités.

Enfin, si on trouve qu’on puisse ajouter quelque ornement à cet ancien ouvrage, vous avez en France plus d’un génie naissant qui peut contribuer à décorer un monument respectable qui doit être cher à la nation.

La réparation qu’on y a faite est déjà fort ancienne elle-même, puisqu’il y a plus de cinquante ans que M. Lantin est morti.

Je ne garantis pas (tout éditeur que je suis) qu’il ait réussi dans tous les points ; je pourrais même prévoir qu’on lui reprochera de s’être trop écarté de son original ; mais je dois vous en laisser le jugement.

Comme M, Lantin a retouché la Sophonisbe de Mairet, on pourra retoucher celle de M, Lantin. La même plume- qui a corrigé le Venceslas pourrait faire revivre aussi la Sophonisbe de Corneille, dont le fond est très-inférieur à celle de Mairet, mais dont on pourrait tirer de grandes beautés.

Nous avons des jeunes gens qui font très-bien des vers sur des sujets assez inutiles ; ne pourrait-on pas employer leurs talents à soutenir l’honneur du théâtre français, en corrigeant Agèsilas, Attila, Surèna. Othon^, Pulchùrie, Pcrtharitc, OEdipc, MècH’C, Don San cl iv d’Aragon, la Toison d’or, Andromède, enfin tant "de pièces de Corneille tombées dans un plus grand oubli que Sophonisbe, et qui

i. Lantin est mort en 1700. Voyez l’avertissement de Beuchot, page 34.

2. Marmontel,

3. De ces onze pièces que Voltaire engage à retoucher, Othon est la seule siulaquelle on se soit exerce : voj’ez Mes Bécréations dramatiques (par Fr, Tronchiii\ Genève, HSO, cinq volumes in-H". Au surplus, dans sa lettre à Laharpe, du 27 juillet 1770, Voltaire dit qu’il a voulu rire quand il a exhorté à rapetasser des pièces, (B.)