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450 JULES CÉSAR.

CAS G A.

Eh ! pardieu oui, et à chaque fois il la toujours doucement refusée, el à chaque siguc qu’il fiiisait de n’en vouloir point, tous ^ mes honnêtes voisins l’applaudissaient à haute voix.

CASSIUS.

Qui lui a offert la couronne ?

CASCA,

Eh ! qui donc ? Antoine.

BRLTUS.

De quelle manière s’y est-il pris, cher Casca ?

CASCA.

Je veux être pendu si je sais précisément la manière ; c’était une pure farce : je n’ai pas tout remarqué. J’ai vu Marc-Antoine lui offrir la couronne ; ce n’était pourtant pas une couronne tout à fait, c’était un petit coronet^ ; et, comme je vous l’ai déjà dit, il l’a rejeté ; mais, selon mon jugement, il aurait bien voulu le prendre. On le lui a offert encore, il l’a rejeté encore ; mais, à mon avis, il était bien fâché de ne pas mettre les doigts dessus. On le lui a encore présenté, il l’a encore refusé ; et, à ce dernier refus, la canaille a poussé de si hauts cris, et a battu de ses vilaines mains avec tant de fracas, et a tant jeté en l’air ses sales bonnets, et a laissé échapper tant de bouffées de sa puante haleine, que César en a été presque étouffé : il s’est évanoui, il est tombé par terre ; et, pour ma part, je n’osais rire, de peur qu’en ouvrant ma bouche je ne reçusse le mauvais air infecté par la racaille.

CASSIUS.

Doucement, doucement. Dis-moi, je te prie. César s’est évanoui ?

CASCA.

Il est tombé tout au milieu du marché ; sa bouche écumait ; il ne pouvait parler.

BRUTUS.

Cela est vraisemblable : il est sujet à tomber du haut-mal.

CASSIUS.

Non, César ne tombe point du haut-mal ; c’est vous et moi qui tombons ; c’est nous, honnête Casca, qui sommes en épilepsie.

1. Les coroncts sont de petites couronnes que les pairesses d’Angleterre portent sur la tête au sacre des rois et des reines, et dont les pairs ornent leurs armoiries. Il est bien étrange que Shakespeare ait traité en comique un récit dont le fond est si noble et si intéressant ; mais il s’af ; ; it de la populace de Rome, et Shakespeare cherchait les suffrages de celle de Londres. {Noie de Voltaire.)