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436 AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR.

défauts et ]ps hoaiités, sans (jnoi vous donnez votre ouvrage pour le sien.

Nous avons en français des imitations, des esquisses, des extraits de Sliakespearo. mais aucune traduction : on a voulu apparemment ménager notre délicatesse. Par exemple, dans la traduction du Moiirc de Venise, lago, au commencement de la pièce, vient avertir le sénateur Brabantio que le Maure a enlevé sa fille. L’auteur français fait parler ainsi lago à la française :

« Je dis, monsieur, que vous êtes trahi, et que le Maure est actuellement possesseur des charmes de votre fille. »

Mais voici comme lago s’exprime dans l’original anglais :

« Tête et sang-, monsieur, vous êtes un de ceux qui ne serviraient pas Dieu, si le diable vous le commandait : parce que nous venons vous rendre service, vous nous traitez de ruffiens. Vous avez une fille couverte par un cheval de Barbarie, vous aurez des petits-fils qui henniront, des chevaux de course pour cousins germains, et des chevaux de manège pour beaux-frères.

LE SÉNATEUR.

« Oui es-tu, misérable profane ?

lAGO.

<t Je suis, monsieur, un homme qui viens vous dire que le Maure et votre fille font maintenant la bête à deux dos.

LE SÉNATEUR.

« Tu es un coquin, etc. »

Je ne dis pas que le traducteur ait mal fait d’épargner à nos yeux la lecture de ce morceau ; je dis seulement qu’il n’a pas fait connaître Shakespeare, et qu’on ne peut deviner quel est le génie de cet auteur, celui de son temps, celui de sa langue, par les imitations qu’on nous en a données sous le nom de traduction. Il n’y a pas six lignes de suite dans la. Jules rc.sa/français qui se trouvent dans le Char anglais. La traduction qu’on donne ici de ce Ci-sav est la plus fidèle qu’on ait jamais faite en notre langue d’un poète ancien ou étranger. On trouve, à la vérité, dans l’original.

1. La Place avait donné, en 1746, le Théâtre ançilais, contenant des imitations plutôt que des traductions. La traduction dos Œuvres de Shakespeare, par Lctourncur, est de 1116.

2. Une autre traduction avait déjà été donnée par Voltaire, en 1761, dans son Appel à toutes les nations.