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En portant sur Ydace une main téméraire,
A levé le poignard sur son malheureux frère.
Argide a du courage, il n’a point démenti
Le pur sang d’un héros dont on le voit sorti.
Je gémis avec vous que ce fils intrépide
Avec tant de vertu ne soit qu’un parricide ;
Mais Polycrate enfin fut l’injuste agresseur.

AGATHOCLE.

Tous deux sont criminels : ils m’ont percé le cœur.
L’un a subi la mort, et l’autre la mérite :
Contre le meurtrier tu sais que tout m’irrite.
Sa faveur populaire avait dû m’alarmer ;
Il m’offensait surtout en se faisant aimer :
Son nom s’agrandissait des débris de ma gloire.
En vain dans l’Occident les mains de la Victoire
Du laurier des héros m’ont cent fois couronné,
Dans ma triste maison j’étais abandonné…
Je le suis pour jamais. Je sens trop que l’envie
Des tourments que j’éprouve est à peine assouvie ;
On me hait ; et voilà le trait envenimé
Qui perce un cœur flétri dans l’ennui consumé…
Mais Argide est mon fils.

ELPÉNOR.

Et j’ose encor vous dire
Qu’il fut digne de l’être et digne de l’empire,
Incapable de feindre ainsi que de flatter,
De souffrir un affront et de le mériter,
Vertueux et sensible…

AGATHOCLE.

Ah ! qu’oses-tu prétendre ?
Lui, sensible ! A mes pleurs a-t-il daigné se rendre ?
Du meurtre de son frère avait-il des remords ?
A-t-il pour me fléchir tenté quelques efforts ?
Eh ! n’a-t-il pas bravé la douleur de son père ?

ELPÉNOR.

Il est trop de fierté dans ce grand caractère ;
Il ne sait point plier.

AGATHOCLE.

Je dois savoir punir.

ELPÉNOR.

Ne vous préparez point un horrible avenir :
La nature a parlé ; sa voix est toujours tendre.