Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/426

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et ce peuple aveuglé, qu’a séduit ton audace,
Applaudit à ton crime et demande ta grâce.

ARGIDE.

Seigneur, le peuple est juste.

AGATHOCLE.

Il va voir aujourd’hui
Que son malheureux prince est plus juste que lui :
Traître ! je t’abandonne aux lois que j’ai portées.

ARGIDE.

Si par l’équité seule elles furent dictées,
Elles décideront qu’en ce triste combat
J’ai sauvé l’innocence, et peut-être l’État.
Le nom de loi m’est cher, et ce nom me rassure.

AGATHOCLE.

Tu redoubles ainsi ton crime et mon injure !
Tu ne m’aimas jamais, et crois me désarmer ?

ARGIDE.

Mon cœur toujours soumis cherchait à vous aimer :
Il est pur, il n’a point de reproche à se faire.
Ce cœur s’est soulevé quand j’ai tué mon frère ;
De la nature en moi j’ai senti le pouvoir :
Mais il fallait combattre, et j’ai fait mon devoir ;
J’ai puni des forfaits, j’ai vengé l’innocence ;
Elle n’avait que moi, seigneur, pour sa défense.
Le cruel m’a forcé de lui percer le flanc.
Suivez votre courroux, baignez-vous dans mon sang :
Si dans ce jour affreux les remords peuvent naître,
Je n’en dois point sentir… vous en aurez peut-être.

AGATHOCLE.

Quoi ! ton farouche orgueil ose encor m’insulter !

ARGIDE.

Je ne sais que vous plaindre et que vous respecter.

AGATHOCLE, en gémissant.

Tu m’arraches mon fils !

ARGIDE.

J’ai défendu ma vie,
Et je vous ai servi, vous, dis-je, et ma patrie.

AGATHOCLE.

Fuis de mes yeux, barbare ; attends ton juste arrêt.

ARGIDE.

Vous êtes souverain, commandez ; je suis prêt.
(On l’emmène.)