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3:> AVERTISSEMENT.

valeur par lo public. Los deux points inn)or(aiUs à constater, c'est que Cor- neille n'a pas suivi l'exemple de Mairet, ni lorsque celui-ci a fait mourir Svphax. pour éviter à Soplionishe (Favoir deux maris vivants, ni lorsqu'il a fait mourir Massinisse après So[)honisl)e.

Après Corneille, Lairraniie-Chancel ne craii^nit pas de faire jouer une nouvelle tragédie sur le même sujet. Elle fut représentée le 10 novembre 4716, n'eut que quatre représentations, et ne fut pas imprimée. On n'en connaît que quatre vers qu'on trouva fort beaux-, mais « dont la morale, comme dit un contemporain, est un peu négligée ». Asdrubal, parlant à sa fille Sopiionisbo, au sujet de Massinisse dont elle est aimée et à qui il veut qu'elle demande une grâce, lui dit :

Songez qu'il est des temps où tout est légitime; Et que, si la patrie avait besoin d'un crime Qui pût seul relever son espoir abattu, Il ne serait plus crime et deviendrait vertu.

Aoltaire prit la peine de refaire la pièce de Mairet Tout en l'ayant jugée sévèrement dans son Co7)imenlaire sur Corneille, il lui avait rendu quelque justice : « Dans ce chaos à peine débrouillé de la tragédie naissante, y disait-il, on voyait pourtant des lueurs de génie; mais surtout ce qui sou- tint si longtemps la pièce de Mairet, c'est qu'il y a de la vraie passion. »

ff Voltaire a mis plus de décence dans le premier acte, plus de dignité dans les reproches de Svphax, et plus de réserve dans les réponses de Sopho- nisbe; mais les charmes de son style ne purent rectifier ce premier acte, dont le fond est absolument vicieux. Rien n'est moins tragique que la colère d'un mari contre sa femme qui écrit à un amant. Il nous semble que Voltaire aurait dû supprimer entièrement le rôle de Svphax. En effet, il ne paraît là (jue pour s'emporter inutilement contre Sophonisbe et se faire tuer au deuxième acte. La pièce commencerait alors par des craintes que l'arrivée de Scipion inspire à Massinisse, et l'on pourrait supposer que la conquête de la Numidie est achevée depuis trois mois; que, dans cet intervalle, Massi- nisse est devenu éperduraent épris des charmes de Sophonisbe; ce qui sau- verait le ridicule d'un amour de vingt-quatre heures. Mais il y a un incon- vénient dans ce nouveau plan. Ce sujet est déjà dénué d'événements, et il ne resterait presque plus d'action dans la pièce. Aussi nous pensons qu'il n'était propre qu'à fournir trois actes, tout au plus, comme la Mort de César.

« D'ailleurs l'intrigue est faible et peu intéressante. C'est le spectacle de l'impuissance d'un roi de Numidie contre les armes et la politique des Ro- mains. Il est impossible que ce prince n'y soit avili et n'y joue un rôle dé- sagréable au moins jusqu'au cinquième acte. Il n'y a de tragique, dans ce sujet, que le dénoùmcnt. Quoi qu'il en soit, Voltaire a fait à la pièce de Mairet des changements fort heureux. Par exemple, il a su motiver la pn- cipitation avec laquelle Sophonisbe se remarie, par l'idée que le mariage est indispensable pour prévenir sa captivité. Cette princesse ne vient plus avec l'intention de faire les doux yeux à Massinisse ; elle ne se rend qu'à la né-

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