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« 11 l'aut convenir, (lisent les auteurs de lllisloire du Théâtre- Fran- çais^ que cette pièce n'est pas sans mérite, et que Sarrasin a eu raison de (lire (jue Mairet avait ramené la majesté de la tragédie dans sa Sophonisbe. Elle est la première où l'on se soit avisé de se conformer aux règles. On y trouve une versification i)lus châtiée, et (pii parait plus forte que celle des pièces précédentes, un plan net assez raisonnablement suivi ; des senti- ments, et, ce qui frappa davantage, une peinture de cette fierté romaine dont l'auteur ébaucha les premiers traits. Toutes ces nouveautés, presqu? inconnues jusqu'alors à la scène française, lui attirèrent tous les succès imaginables, et tels que M. Corneille, jouissant de toute la gloire qu'il s'c'tail acquise avec justice, hésita à traiter le mémo sujet. »

La pièce se termine par les iiiipn'cations de .^fassinisse contre les l{o- mains :

Cependant en mourant, ô peuple aml)iticu\. J'appellerai sur toi la colère des deux. Puisses-tu rencontrer, soit eu paix, soit en guerre, Toute chose contraire, et sur mer, et sur terre! Que le Tage et le Po, contre toi rebellés, Te reprennent les biens que tu leur as volés ! Que Mars, faisant de Rome une seconde Troie, Donne aux Carthaginois tes richesses en proie, Et que dans peu de temps le dernier des P>omains En finisse la race avec ses propres mains!

Massinisse, ayant ainsi exhalé sa haine, se frappe d'un poignard. V.v^ vers du roi de Numidie font songer aux fameuses imprécations de Camille dans Horace (acte IV, scène v).

Trente-deux ans après qu'eut paru la Sophonisbe de Jean de Mairet, Pierre Corneille traita le même sujet, mais sans triompher do son devan- cier. La Sophonisbe de Corneille n'empêcha pas la Sophonisbe de Mairet de reparaître de temps en temps sur le théâtre. Saint-Évremond donne d(; cet écliec relatif des raisons tout avantageuses à Corneille : « Un des grands défauts de notre nation, c'est de ramener tout à elle jusqu'à nommer èlraïui (jers dans leur propre pays ceux qui n'ont pas bien ou son air ou ses ma- nières ; de là vient qu'on nous reproche justement de ne savoir estimer les choses que par le rapport qu'elles ont avec nous ; dont Corneille a fait une injuste et fâcheuse expérience dans sa Sophonisbe. Mairet, qui avait dépeint la sienne infidèle au vieux Syphax et amoureuse du jeune et victorieux Mas- sinisse, plut quasi généralement à tout le monde pour avoir rencontré le goût des dames et le vrai esprit des gens de la cour. Mais Corneille, qui fait mieux parler les Grecs que les Grecs, les Romains que les Romains, les Carthaginois que les citoyens de Carthage ne parlaient eux-mêmes. Cor- neille, qui presque seul a le bon goût de l'antiquité, a eu le malheur de ne pas plaire à notre siècle pour être entré dans le génie de ces nations et avoir conservé à la fille d'Asdrubal son véritable caractère... »

L'argument serait plus décisif si des pièces oîi Corneille a conservé par- faitement l'esprit de la vieille Rome n'avaient été appréciées à toute leur

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