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AVIÎKTISSKMKNT. 321

quatrième roprôsciitatioii. II se convainquit (]ue des chani^HMuents avaient été opérés à son insu. Il tonil)e dans un accès de fureur dont on n’a pas d’idée. M""^ Denis, obligCe d’avouer ([u’elle avait consenti à ces changeinenls, est bousculée violemment ; d’Argental est obligé de se sauver. D’Argental, Tliibouville, Laliarpe, étaient les auteurs du méfait. Voltaire les traite avec la dernière dureté ; puis, sa colère ayant eu son cours, il demande pardon à ses amis. Il écrit à Tliibouville : « J’étais au désespoir ; je l’avoue, je me ciovais méprisé et avili par les amis les plus respectables. La constance de leurs bontés guérit la blessure horrible de mon cœur, et m’empêche de mourir de chagrin plus que de mon vomissement de sang. Que j’aie la consolation do vous voir avant que vous ne sortiez. » Il écrit à d’Argental : « Pardon, mon ange, ma tète de quatre-vingt-quatre ans n’en a que quinze ; mais vous devez avoir pitié d’un lionune blessé qui crie, ne pouvant parler. Songez que je meurs, songez qu’en mourant j’ai achevé Irène, Arjnlhocle, le Droit du seigneur^ et fait quatre actes û’AIrée ^ Songez que. Mole m’a mutilé indignement, sottement, et insolemment ; qu’il ne veut point jouer son njle dans le Droit du seigneur^ etc. Je suis mort, et il faut que je coure chez les premiers gentilshommes de la chambre. Voyez s’il ne m’est pas permis de crier. Cependant j’avoue que je ne devrais pas crier si fort. Je suis à vous, mon ange, à toute heure. »

Ainsi passa ce nouvel orage. Nous voici au lundi 30 mars, qui fut comme le couronnement de l’existence de Voltaire. On sait que, dans l’après-midi, il alla à l’Académie, où il y eut une séance toute consacrée à sa glorification. De l’Académie, à tiavers les flots d’une foule curieu.se qui l’acclamait, il se rendit à la Comédie oîi se donnait la sixième représentation à’Irène. M. Gustave Desnoiresterres a rassemblé, dans le dernier volume de ses études sur Voltaire, le plus de détails qu’il a pu sur cette fameuse soirée.

« Lorsque l’auteur parut dans la salle, dit-il, ce fut d’autres cris, d’autres trépignements. Il alla gagner, aux secondes, la loge des gentilshommes de la chambre, qui était en face de celle du comte d’Artois..M""" Denis et M’"* de Villette étaient déjà installées. Voltaire paraissait vouloir demeurer derrière elles, mais il fallut qu’il cédàtau vœu du parterre et qu’il consentît demeurer sur le devant, entre sa nièce et Belle et bonne. « La couronne ! » cria-t-on alors. Le comédien Brizard entra au même instant, tenant une couronne de laurier ([u’il posa sur la tète du poëte : « Ah ! Dieu ! vous voulez donc « me faire mourir à force de gloire ! « articula le vieillard d’une voix étranglée par l’émotion, la joie et les larmes. Mais il la retirait tout aussitôt avec une hâte pudique, et la passait à la jeune marquise, à laquelle le public, ivre, criait de la remettre sur le front du Sophocle français. Celle-ci s’empressa d’obéir. Voltaire ne voulait pas le permettre ; il se débattait, se refusait à cette idolâtrie, quand le prince de Beauvau, s’emparant du laurier, en ceignit derechef le front du patriarche, qui vit bien qu’il ne serait pas le plus fort. »

« Toutes les femmes étaient debout, dit Grimm ; il y avait plus de monde

\. Il remaniait ces deux dernières pièces.

7. — Théâtre. VI. 21