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ACTE III, SCÈNE II. 28">

Des indignes objets de votre amour volage,

J’ai sans peine à mon prince oiïerl un pur hommage.

\ainement votre père, expirant dans mes bras,

Et prétendant régner au delà du trépas,

l*our son fils Transtamare aveugle en sa tendresse,

Avait en sa faveur exigé ma promesse :

Ijientôt par ma raison son ordre fut trahi ;

Et plus je vous ai vu, plus j’ai mal obéi,

Enfin j’aimais don Pèdre, en fuyant sa couronne ;

Et je ne pense pas que son cœur me soupçonne

D’avoir pu désirer cette triste grandeur.

Qui sans vous aujourd’hui ne me ferait d’horreur.

Mais si de mon hymen la fête est différée,

Si je ne règne pas, je suis déshonorée.

Vous pouvez, par mépris pour la commune erreur,

Uraver la voix publique ; et je la crains, seigneur.

Je veux qu’on me respecte, et qu’après vos faiblesses

On ne me compte pas au rang de vos maîtresses :

Ma gloire s’en irrite ; et, dans ces tristes jours,

La retraite, ou le trône, était mon seul recours :

Votre épouse à vos yeux se sent trop outragée.

DON PKDRE.

Avant la fin du jour vous en serez vengée.

LÉONORE.

Je ne prétends pas l’être. Écoutez seulement

Tous les justes sujets de mon ressentiment.

J’ai peu du cœur humain la fatale science ;

Mais j’ouvre enfin les yeux : ma prompte expérience Al’apprend ce qu’on éprouve à la suite des rois.

Je vois comme on s’empresse à condamner leur choix.

On accuse de tout quiconque a pu leur plaire.

De l’estrade des grands descendant au vulgaire.

Le mensonge sans frein, sans pudeur, sans raison,

S’accroît de bouche en bouche, et s’enfle de poison.

C’est moi, si l’on en croit votre cour téméraire,

C’est moi dont l’artifice a perdu votre frère :

C’est moi qui l’ai plongé dans la captivité,

Pour garder ma conquête avec impunité.

Vous dirai-je encor plus ? Lue troupe effrénée.

Qui devrait souhaiter, bénir mon hyménée.

D’une voix mensongère insulte à nos amours :

Mon oreille a frémi de leurs affreux discours.