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250 DISCOURS HISTORIQUE ET CRITIQUE.

les (gards ([uo de véritables goiis do lettres se doivent, nous donnons ce discours histori([ue et rriti(|ue tel que nous l’avons de la main même de l’auteur de Don Phhr.

Henri de Transtaniare, l’un des nombreux bfitards du roi de Castille VIfonse, onzième du nom, fit à son frère et à son roi don Pèdre une îi : uerrc qui n’était qu’une révolte, en se faisant déclarer roi légitime de Castille par sa faction. Guesclin, depuis connétable de France, l’aida dans cette entreprise.

Cet illustre Cuesclin était alors précisément ce qu’on appelait en Italie et en Espagne un condottiere. Il rassembla une troupe de bandits et de brigands, avec lesquels il rançonna d’abord le pape Urbain IV dans Avignon. Il fut entièrement défait à Navarette par le roi don Pèdre et par le grand prince Noir, souverain de Guicnne, dont le nom est immortel. C’était ce même prince qui avait pris le roi Jean de Poitiers, et qui prit du Guesclin à Navarette. Henri de Transtamare s’enfuit en France, Cependant le parti des bâtards subsista toujours en Espagne. Transtamare, protégé par la France, eut le crédit de faire excommunier le roi son frère par le pape, qui siégeait encore dans Avignon, et qui, depuis peu, était lié d’intérêt avec Charles V et avec le bâtard de Castille. Le roi don Pèdre fut solennellement déclaré bulgare et incrédule, ce sont les termes de la sentence, et ce qui est encore plus étrange, c’est que le prétexte était que le roi avait des maî- tresses.

Ces anathèmes étaient alors aussi communs que les intrigues d’amour chez les excommuniés et chez les ex communiants ; et ces amours se mêlaient aux guerres les plus cruelles. Les armes des papes étaient plus dangereuses qu’aujourd’hui : les princes les plus adroits disposaient de ces armes. Tantôt des souverains en étaient frappés, et tantôt ils en frappaient. Les seigneurs féodaux les achetaient à grand prix.

La détestable éducation qu’on donnait alors aux hommes de tout rang et sans rang, et qu’on leur donna si longtemps, en fit (les brutes féroces que le fanatisme déchaînait contre tous les gouvernements. Les princes se faisaient un devoir sacré de l’usurpation. Un rescrit donné dans une ville d’Italie, en une langue ignorée de la multitude, conférait un royaume en Espagne et en Norvège ; et les ravisseurs des États, les déprédateurs les plus inhumains, plongés dans tous les crimes, étaient réputés saints, et souvent invoqués, quand ils s’étaient fait revêtir en mourant d’une robe de frère prêcheur ou de frère mineur.