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Porte partout la vie, et fait grâce au coupable :
Vous ne verriez ici qu’un appareil de mort ;
D’un barbare étranger on va trancher le sort.
Mais vous savez quel sang d’abord on sacrifie ;
quel zèle a préparé cet holocauste impie.
Comme on est aveuglé ! Mes raisons ni mes pleurs
N’ont pu de notre loi suspendre les rigueurs.
Le peuple, impatient de cette mort cruelle,
L’attend comme une fête auguste et solennelle ;
L’autel de Jupiter est orné de festons ;
On y porte à l’envi son encens et ses dons.
Vous entendrez bientôt la fatale trompette :
À ce lugubre son, qui trois fois se répète,
Sous le fer consacré la victime à genoux…
Pour la dernière fois, seigneur, retirons-nous,
Ne souillons point nos yeux d’un culte abominable.

Teucer.

Hélas ! Je pleure encor ce vieillard vénérable,
Va, surtout qu’on ait soin de ses malheureux jours,
Dont la douleur bientôt va terminer le cours :
Il est père, et je plains ce sacré caractère.

Azémon.

Je te plains encor plus… et cependant j’espère.

Teucer.

Fuis, malheureux, te dis-je.

Azémon, l’arrêtant.

Fuis, malheureux, te dis-je.Avant de me quitter
Écoute encore un mot : tu vas donc présenter
D’Astérie à tes dieux les entrailles fumantes ?
De tes prêtres crétois les mains toutes sanglantes
Vont chercher l’avenir dans son sein déchiré !
Et tu permets ce crime ?

Teucer.

Et tu permets ce crime ?Il m’a désespéré,
Il m’accable d’effroi ; je le hais, je l’abhorre ;
J’ai cru le prévenir, je le voudrais encore :
hélas ! Je prenais soin de ses jours innocents ;
Je rendais Astérie à ses tristes parents.
Je sens quelle est ta perte et ta douleur amère…
C’en est fait.

Azémon.

C’en est fait.Tu voulais la remettre à son père ?