Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ACTE QUATRIÈME.





Scène I.

le vieillard AZÉMON, accompagné d’un esclave qui lui donne la main.
Azémon.

Quoi ! Nul ne vient à moi dans ces lieux solitaires !
Je ne retrouve point mes compagnons, mes frères !
Ces portiques fameux, où j’ai cru que les rois
Se montraient en tout temps à leurs heureux crétois,
Et daignaient rassurer l’étranger en alarmes,
Ne laissaient voir au loin que des soldats en armes ;
Un silence profond règne sur ces remparts :
Je laisse errer en vain mes avides regards ;
Datame, qui devait dans cette cour sanglante
Précéder d’un vieillard la marche faible et lente,
Datame devant moi ne s’est point présenté ;
On n’offre aucun asile à ma caducité.
Il n’en est pas ainsi dans notre Cydonie ;
Mais l’hospitalité loin des cours est bannie.
Ô mes concitoyens, simples et généreux,
Dont le cœur est sensible autant que valeureux,
Que pourrez-vous penser quand vous saurez l’outrage
Dont la fierté crétoise a pu flétrir mon âge !
Ah ! Si le roi savait ce qui m’amène ici,
Qu’il se repentirait de me traiter ainsi !
Une route pénible et la triste vieillesse
De mes sens fatigués accablent la faiblesse.

(Il s’assied.)

Goûtons sous ces cyprès un moment de repos :
Le ciel bien rarement l’accorde à nos travaux.