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Ils ont fait, malgré moi, leur noire destinée.
L’arrêt est-il porté ?

Le Héraut.

L’arrêt est-il porté ?Seigneur, on doit d’abord
Livrer sur nos autels Astérie à la mort ;
Bientôt tout sera prêt pour ce grand sacrifice ;
On réserve Datame aux horreurs du supplice :
On ne veut point sans vous juger son attentat ;
Et la seule Astérie occupe le sénat.

Teucer.

C’est Datame, en effet, c’est lui seul qui l’immole ;
Mes efforts étaient vains, et ma bonté frivole.
Revolons aux combats ; c’est mon premier devoir,
C’est là qu’est ma grandeur, c’est là qu’est mon pouvoir :
Mon autorité faible est ici désarmée :
J’ai ma voix au sénat, mais je règne à l’armée.

Le Héraut.

Le père d’Astérie, accablé par les ans,
Les yeux baignés de pleurs, arrive à pas pesants,
Se soutenant à peine, et d’une voix tremblante
Dit qu’il apporte ici pour sa fille innocente
Une juste rançon dont il peut se flatter
Que votre cœur humain pourra se contenter.

Teucer.

Quelle simplicité dans ces mortels agrestes !
Ce vieillard a choisi des moments bien funestes ;
De quel trompeur espoir son cœur s’est-il flatté ?
Je ne le verrai point : il n’est plus de traité.

Le Héraut.

Il a, si je l’en crois, des présents à vous faire
Qui vous étonneront.

Teucer.

Qui vous étonneront.Trop infortuné père !
Je ne puis rien pour lui. Dérobez à ses yeux
Du sang qu’on va verser le spectacle odieux.

Le Héraut.

Il insiste ; il nous dit qu’au bout de sa carrière
Ses yeux se fermeraient sans peine à la lumière
S’il pouvait à vos pieds se jeter un moment.
Il demandait Datame avec empressement.

Teucer.

Malheureux !