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Nous vous avons choisi quand par Idoménée
L’île de Jupiter se vit abandonnée.
Soyez digne du trône où vous êtes monté ;
Soutenez de nos lois l’inflexible équité.

    été immolées. C’est un point d’histoire que nous laissons aux doctes à discuter.
    Ils ont prétendu aussi que le massacre de tout ce qui était en vie dans Jéricho fut un véritable sacrifice ; car ce fut un anathème, un vœu, une offrande ; et tout se fit avec la plus grande solennité : après sept processions augustes autour de la ville pendant sept jours, on fit sept fois le tour de la ville, les lévites portant l’arche d’alliance, et devant l’arche sept autres prêtres sonnant du cornet ; à la septième procession de ce septième jour, les murs de Jéricho tombèrent d’eux-mêmes. Les Juifs immolèrent tout dans cette cité, vieillards, enfants, femmes, filles, animaux de toute espèce, comme il est dit dans l’histoire de Josué.
    Le massacre du roi Agag fut incontestablement un sacrifice, puisqu’il fut immolé par le prêtre Samuel, qui le dépeça en morceaux avec un couperet, malgré la promesse et la foi du roi Saül qui l’avait reçu à rançon comme son prisonnier de guerre.
    Vous verrez dans l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations les preuves que les Gaulois et les Teutons, ces Teutons dont Tacite fait semblant d’aimer tant les mœurs honnêtes, faisaient de ces exécrables sacrifices aussi communément qu’ils couraient au pillage, et qu’ils s’enivraient de mauvaise bière.
    La détestable superstition de sacrifier des victimes humaines semble être si naturelle aux peuples sauvages, qu’au rapport de Procope, un certain Théodebert, petit-fils de Clovis, et roi du pays Messin, immola des hommes pour avoir un heureux succès dans une course qu’il fit en Lombardie pour la piller. Il ne manquait que des bardes tudesques pour chanter de tels exploits.
    Ces sacrifices du roi messin étaient probablement un reste de l’ancienne superstition des Francs, ses ancêtres. Nous ne savons que trop à quel point cette exécrable coutume avait prévalu chez les anciens Welches, que nous appelons Gaulois : c’était là cette simplicité, cette bonne foi, cette naïveté gauloise que nous avons tant vantée. C’était le bon temps quand des druides, ayant pour temples des forêts, brûlaient les enfants de leurs concitoyens dans des statues d’osier plus hideuses que ces druides mêmes.
    Les sauvages des bords du Rhin avaient aussi des espèces de druidesses, des sorcières sacrées, dont la dévotion consistait a égorger solennellement des petits garçons et des petites filles dans de grands bassins de pierre, dont quelques-uns subsistent encore, et que le professeur Schœpflin a dessinés dans son Alsatia illustrata. Ce sont la les monuments de cette partie du monde, ce sont la nos antiquités. Les Phidias, les Praxitèle, les Scopas, les Miron, en ont laissé de différentes.
    Jules César, ayant conquis tous ces pays sauvages, voulut les civiliser : il défendit aux druides ces actes de dévotion, sous peine d’être brûlés eux-mêmes, et fit abattre les forêts où ces homicides religieux avaient été commis. Mais ces prêtres persistèrent dans leurs rites ; ils immolèrent en secret des enfants, disant qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes : que César n’était grand pontife qu’à Rome ; que la religion druidique était la seule véritable ; et qu’il n’y avait point de salut sans bruler de petites filles dans de l’osier, ou sans les égorger dans de grandes cuves.
    Nos sauvages ancêtres ayant laissé dans nos climats la mémoire de nos coutumes, l’Inquisition n’eut pas de peine à les renouveler. Les bûchers qu’elle alluma furent de véritables sacrifices. Les cérémonies les plus augustes de la religion, processions, autels, bénédictions, encens, prières, hymnes chantées à grands