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VARIAMES DE SOPIIOMSHE. 95

MASSIMSSE, troublé et chancelant. 11 m’en faut en cfl’et.

SCIP10\.

Parlez en liberté.

M A s s I N I s s E. La victime par vous si longtemps désirée S’est offerte elle-même ; elle vous est livrée. Scipion, j’ai plus fait que je n’avais promis. Tout est prêt.

SCIPION.

La raison vous rend à vos amis. Vous revenez à moi : i)ardonnez : \ Lclio Cette sévérité qui passe et qu’on oublie : L’intérêt de l’État exigeait nos rigueurs, Rome y fera bientôt succéder ses faveurs.

(Il tend la main à llassinissc, qui recule) Point de ressentiment, goûtez l’honneur suprême D’avoir réparé tout en vous domptant vous-même.

ASSAINISSE.

Épargnez-vous, seigneur, un vain remercîment : ]1 m’en coûte assez cher en cet affreux moment. Il m’en coûte, ah ! grands dieux !

(11 se laisse tomber sur une banquette.)

L É L I E.

Sa passion fatale Dans son cœur combattu renaît par intervalle.

SC1P10\, à Massinissc, en lui prenant la main. Cessez à vos regrets de vous abandonner. Je conçois vos chagrins ; je sais leur pardonner.

(.\ Lélie.) Te suis homme, Lélie ; il porte un cœur, il aime.

’À Massinisse.) Je le plains. Calmez-vous.

ASSAINISSE.

Je reviens à moi-même. Dans ce trouble mortel qui m’avait abattu. Dans ce mal passager, n’ai-je pas entendu Que Scipion parlait, et qu’il plaignait un hom’me Qui partagea sa gloire, et qui vainquit pour Rome ?

(Il so relève.) SC1P10\.

Tels sont mes sentiments. Reprenez vos esprits. Rome de vos exploits doit payer tout le prix. Ne me regardez plus d’un œil sombre et farouche ; Croyez que votre état m’intéresse et me touche. Massinisse, achevez cet effort généreux, Qui de notre amitié va resserrer les nœuds. Vous pleurez !

ASSAINISSE.

Qui ? moi ! non.

SCIPION.

Ce regret qui vous presse N’est aux yeux d’un ami qu’un reste de faiblesse. Que votre âme subjugue, et que vous oublierez.