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De dérober une fille jolie
Au possesseur de ses jeunes appas,
Qu’à mon avis il ne mérite pas.
Je l’ai conduite à la forêt prochaine,
Dans ce château de Laure et de Dormène :
C’est une faute, il est vrai, j’en convien ;
Mais j’étais fou, je ne pensais à rien.
Cette Dormène, et Laure sa compagne,
Étaient encor bien loin dans la campagne :
En étourdi je n’ai point perdu temps ;
J’ai commencé par des propos galants.
Je m’attendais aux communes alarmes,
Aux cris perçants, à la colère, aux larmes ;
Mais qu’ai-je vu ! la fermeté, l’honneur,
L’air indigné, mais calme avec grandeur :
Tout ce qui fait respecter l’innocence
S’armait pour elle, et prenait sa défense.
J’ai recouru, dans ces premiers moments,
À l’art de plaire, aux égards séduisants.
Aux doux propos, à cette déférence
Qui fait souvent pardonner la licence ;
Mais, pour réponse. Acanthe à deux genoux
M’a conjuré de la rendre chez vous ;
Et c’est alors que ses yeux moins sévères
Ont répandu des pleurs involontaires.

LE MARQUIS.

Que dites-vous ?

LE CHEVALIER.

Que dites-vous ? Elle voulait en vain
Me les cacher de sa charmante main :
Dans cet état, sa grâce attendrissante
Enhardissait mon ardeur imprudente ;
Et, tout honteux de ma stupidité,
J’ai voulu prendre un peu de liberté.
Ciel ! comme elle a tancé ma hardiesse !
Oui, j’ai cru voir une chaste déesse
Qui rejetait de son auguste autel
L’impur encens qu’offrait un criminel.

LE MARQUIS.

Ah ! poursuivez.

LE CHEVALIER.

Ah ! poursuivez.Comment se peut-il faire