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Celle qui prend à vous tant d’intérêt,
Qui vous chérit, ayant su vous connaître,
Serait-ce point Dormène ?

ACANTHE.

Serait-ce point Dormène ? Oui.

LE MARQUIS.

Serait-ce point Dormène ? Oui.Mais peut-être…
Il est aisé d’ajuster tout cela.
Oui… votre idée est très-bonne… Oui, voilà
Un vrai moyen de rompre avec décence
Ce sot hymen, cette indigne alliance.
J’ai des projets… en un mot, voulez-vous
Près de Dormène un destin noble et doux ?

ACANTHE.

J’aimerais mieux la servir, servir Laure,
Laure si bonne, et qu’à jamais j’honore,
Manquer de tout, goûter dans leur séjour
Le seul bonheur de vous faire ma cour,
Que d’accepter la richesse importune
De tout mari qui ferait ma fortune.

LE MARQUIS.

Acanthe, allez… Vous pénétrez mon cœur :
Oui, vous pourrez, Acanthe, avec honneur
Vivre auprès d’elle… et dans mon château même.

ACANTHE.

Auprès de vous ! ah ciel !

, LE MARQUIS s’approche un peu.

Auprès de vous ! ah ciel ! Elle vous aime ;
Elle a raison… J’ai, vous dis-je, un projet ;
Mais je ne sais s’il aura son effet.
Et cependant vous voilà fiancée,
Et votre chaîne est déjà commencée,
La noce prête, et le contrat signé.
Le ciel voulut que je fusse éloigné
Lorsqu’en ces lieux on parait la victime :
J’arrive tard, et je m’en fais un crime.

ACANTHE.

Quoi ! vous daignez me plaindre ? Ah ! qu’à mes yeux
Mon mariage en est plus odieux !
Qu’il le devient chaque instant davantage !

, (Ils s’approchent.)