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Il me croira du moins fort imprudente
De refuser le sort qu’on me présente,
Un mari riche, un état assuré.
Je le prévois, je ne remporterai
Que des refus avec bien peu d’estime ;
Je vais déplaire à ce cœur magnanime ;
Et si mon âme avait osé former
Quelque souhait, c’est qu’il pût m’estimer.
Mais pourra-t-il me blâmer de me rendre
Chez cette dame et si noble et si tendre,
Qui fuit le monde, et qu’en ce triste jour
J’implorerai pour le fuir à mon tour ?…
Où suis-je ?… on ouvre !… à peine j’envisage
Celui qui vient… je ne vois qu’un nuage.


Scène VI.



LE MARQUIS, ACANTHE.


LE MARQUIS.

Asseyez-vous. Lorsqu’ici je vous vois.
C’est le plus beau, le plus cher de mes droits.
J’ai commandé qu’on porte à votre père
Les faibles dons qu’il convient de vous faire ;
Ils paraîtront bien indignes de vous.

ACANTHE, s’asseyant.

Trop de bontés se répandent sur nous ;
J’en suis confuse, et ma reconnaissance
N’a pas besoin de tant de bienfaisance :
Mais avant tout il est de mon devoir
De vous prier de daigner recevoir
Ces vieux papiers que mon père présente
Très-humblement.

LE MARQUIS, les mettant dans sa poche.

Très-humblement. Donnez-les, belle Acanthe,
Je les lirai ; c’est sans doute un détail
De mes forêts : ses soins et son travail
M’ont toujours plu ; j’aurai de sa vieillesse
Les plus grands soins : comptez sur ma promesse.
Mais est-il vrai qu’il vous donne un époux
Qui, vous causant d’invincibles dégoûts,