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Scène III


Iradan, Arzame.

ARZAME

Peut être que César se laissera toucher.

IRADAN

Hélas ! souffrira-t-on qu’il ose l’approcher ?
Je respecte César ; mais souvent on l’abuse.
Je vois que de révolte un ennemi m’accuse.
J’ai pour moi la nature, ainsi que l’équité ;
Tant de droits ne sont rien contre l’autorité ;
Elle est sans yeux, sans cœur : le guerrier le plus brave,
Quand César a parlé, n’est plus qu’un vil esclave :
C’est le prix du service, et l’usage des cours.

ARZAME

Bienfaiteur adoré, que je crains pour vos jours,
Pour mon fatal époux, pour mon malheureux père,
Pour ce vieillard chéri, si grand dans sa misère !
Il n’a fait que du bien, ses respectables mœurs
Passent pour des forfaits chez nos persécuteurs.
La vertu devient crime aux yeux qui nous haïssent :
C’est une impiété que dans nous ils punissent ;
On me l’a toujours dit. Le nouveau gouverneur
Sans doute est envoyé pour servir leur fureur
On va vous arrêter.

IRADAN

Oui, je m’y dois attendre.
Oui, mon meilleur ami, commandé pour nous prendre,
Nous chargerait de fers au nom de l’empereur,
Nous conduirait lui-même, et s’en ferait honneur ;
Telle est des courtisans la bassesse cruelle.
Notre indigne pontife, à sa haine fidèle,
N’attend que le moment de se rassasier
Du sang des malheureux qu’on va sacrifier.
Dans l’état où je suis, son triomphe est facile.
Nous voici tous les deux sans force et sans asile,
Nous débattant en vain, par un pénible effort,
Sous le fer des tyrans, dans les bras de la mort.