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A ce tendre dépôt, du sort abandonné,
Je divisai le pain que le ciel m’a donné ;
Ma loi me le commande, et mon sensible zèle,
Seigneurs, pour être humain n’avait pas besoin d’elle.

CÉSÈNE

Eh quoi ! Privé de bien, tu nourris l’étranger !
Et César nous opprime, ou nous laisse égorger !

IRADAN, se soulevant un peu.

Que devint cette femme ?…ö dieu de la justice !
Ainsi que ce vieillard, lui devins-tu propice ?

LE VIEIL ARZÉMON

Dans ma retraite obscure elle a langui deux ans ;
Le chagrin desséchait la fleur de son printemps.

IRADAN

Hélas !

LE VIEIL ARZÉMON

Elle mourut ; je fermai sa paupière :
Elle me fit jurer à son heure dernière
D’élever ses enfants dans sa religion :
J’obéis : mon devoir et ma compassion
Sous les yeux de Dieu seul ont conduit leur enfance.
Ces tendres orphelins, pleins de reconnaissance,
M’aimaient comme leur père, et je l’étais pour eux.

CÉSÈNE

Ô destins

IRADAN

Ô moments trop chers, trop douloureux !

CÉSÈNE

Une faible espérance est-elle encor permise ?

ARZAME

Je crains d’écouter trop l’espoir qui m’a surprise.

LE JEUNE ARZÉMON

Et moi, je crains, ma sœur, à ces récits confus,
D’être plus criminel encor que je ne fus.

IRADAN

Que me préparez-vous, ô cieux ! Que dois-je croire ?

CÉSÈNE

Ah ! si la vérité t’a dicté cette histoire,
Pourrais-tu nous donner, après de tels récits,
Quelque éclaircissement sur ma fille et son fils ?
N’as-tu point conservé quelque heureux témoignage,
Quelque indice du moins ?