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Vous la suivrez, soldats ; mais c’est pour observer
Si ces prêtres cruels oseraient l’enlever ;
Contre leurs attentats vous prendrez sa défense.
Il est beau de mourir pour sauver l’innocence.
Allez.

ARZAME

Ah ! C’en est trop ; mes jours infortunés
Méritent-ils, seigneur, les soins que vous prenez ?
Modérez ces bontés d’un sauveur et d’un père.


Scène VI


IRADAN

Je m’emporte trop loin : ma pitié, ma colère,
Me rendront trop coupable aux yeux du souverain ;
Je crains mes soldats même, et ce terrible frein,
Ce frein que l’imposture a su mettre au courage ;
Cet antique respect, prodigué d’âge en âge
A nos persécuteurs, aux tyrans des esprits.
Je verrai ces guerriers d’épouvante surpris ;
Ils se croiront souillés du plus énorme crime,
S’ils osent refuser le sang de la victime.
Ô superstition, que tu me fais trembler !
Ministres de Pluton, qui voulez l’immoler !
Puissances des enfers, et comme eux inflexibles,
Non, ce n’est pas pour moi que vous serez terribles :
Un sentiment plus fort que votre affreux pouvoir
Entreprend sa défense, et m’en fait un devoir ;
Il étonne mon âme, il l’excite, il la presse :
Mon indignation redouble ma tendresse :
Vous adorez les dieux de l’inhumanité,
Et je sers contre vous le Dieu de la bonté.