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MADAME AGNANT., à Gourville l’aîné.

Fripon,
Nieras-tu tes écrits ? Tiens, voici tout du long
Tes beaux enseignements dont ma fille se coiffe ;
Les voici.

L’AVOCAT PLACET.

Nous devons les déposer au greffe.

MADAME AGNANT., prenant des lunettes.

Écoute… « La vertu que je veux vous montrer
Doit plaire à votre cœur, l’échauffer, l’éclairer.
Votre vertu m’enchante, et la mienne me guide… »
Ah ! Je te donnerai de la vertu, perfide !

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Je n’ai jamais écrit ces sottises.

LE JEUNE GOURVILLE., versant à boire à M. Agnant.

Voisin !

MONSIEUR AGNANT.

De la vertu !

LE JEUNE GOURVILLE.

Voyons celle de ce bon vin.

À Mme Agnant.

Madame, goûtez-en.

MADAME AGNANT., ayant bu.

Peste ! Il est admirable !

LE JEUNE GOURVILLE.

Vous en aurez ce soir, mon cher, sur votre table ;
On vous porte un quartaut dont vous serez content.

MONSIEUR AGNANT.

Non, je n’ai jamais vu de plus honnête enfant.

LE JEUNE GOURVILLE., à l’avocat Placet.

Et vous ?

L’AVOCAT PLACET., boit un coup.

Il est fort bon ; mais vous ne pouvez croire
Qu’en l’état où je suis je vienne ici pour boire.

LE JEUNE GOURVILLE., en présente à son frère.

Vous, mon frère ?

GOURVILLE L’AÎNÉ.

Ah ! Cessez vos ébats ennuyeux ;
Plus vous paraissez gai, plus je suis sérieux ;
Après tant de chagrins et de tracasserie,
C’est une cruauté que la plaisanterie ;
Dans ce jour de malheur tout le quartier, je crois,
S’était donné le mot pour se moquer de moi.