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Dont vous avez tantôt fait si prompte largesse,
Était-elle bien pleine autrefois ?

NINON.

Jusqu’au bord :
De notre ami défunt c’était le coffre-fort ;
Vous le savez assez.

MONSIEUR GARANT.

Selon que je calcule,
Vous avez amassé loyaument, sans scrupule,
Un bien considérable, une fortune ?

NINON.

Non ;
Mais mon bien me suffit pour tenir ma maison.

MONSIEUR GARANT.

Vous avez du crédit : la dame qui régente,
Madame Esther, vous garde une amitié constante.
Et, si vous le vouliez, vous pourriez quelque jour
Faire beaucoup de bien vous produisant en cour.

NINON.

A la cour ! moi, monsieur ! que le ciel m’en préserve !
Si j’ai quelques amis, il faut avec réserve
Ménager leurs bontés, craindre d’importuner,
Ne les inviter point à nous abandonner.
Pour garder son crédit, monsieur, n’en usons guère.

MONSIEUR GARANT.

Il le faut réserver pour les grandes affaires,
Pour les grands coups, madame ; oui, vous avez raison ;
Et votre sentiment est ici ma leçon.


Il s’approche un peu d’elle, et après un moment de silence.

Je dois avec candeur vous faire une ouverture
Pleine de confiance et d’une amitié pure :
Je suis riche, il est vrai ; mais avec plus d’argent
Je ferais plus de bien.

NINON.

Je le crois bonnement.

MONSIEUR GARANT.

Il vous faut un état, vous êtes de mon âge,
Je suis aussi du vôtre.

NINON.

Oh ! Oui.

MONSIEUR GARANT.

Quel bon ménage