Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/370

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
360
CHARLOT.
JULIE.

Ce n’est pas lui.

BABET, allant et venant.
C’est lui.
GUILLOT.
Je m’y connais fort bien.

Tout le monde m’a dit : C’est lui ; la chose est claire.

L’INTENDANT, arrivant à pas comptés.

Ils se sont tous trompés selon leur ordinaire.
Madame, un postillon que j’avais fait partir
Pour s’informer au juste, et pour vous avertir.
Vous ramenait en hâte une troupe altérée,
Moitié déguenillée, et moitié surdorée,
D’excellents pâtissiers, d’acteurs italiens,
Et des danseurs de corde, et des musiciens,
Des flûtes, des hautbois, des cors, et des trompettes,
Des faiseurs d’acrostiche, et des marionnettes.
Tout le monde a crié le roi sur les chemins ;
On le crie au village, et chez tous les voisins ;
Dans votre basse-cour on s’obstine à le croire ;
Et voilà justement comme on écrit l’histoire[1].

GUILLOT.

Nous voilà tous bien sots !

LA COMTESSE.

Mais quand vient-il ?

L’INTENDANT.

Ce soir.

LA COMTESSE.

Nous aurons tout le temps de le bien recevoir.
Mon fils, donnez la main à la belle Julie.
Bonsoir, Charlot.

LE MARQUIS.
Mon Dieu, que ce Charlot m’ennuie !

(Ils sortent : la comtesse reste avec la nourrice.)

LA COMTESSE.

Viens, ma chère nourrice, et ne soupire plus.
À bien placer ton fils mes vœux sont résolus :
Il servira le roi ; je ferai sa fortune :
Je veux que cette joie à nous deux soit commune.

  1. Vers devenu proverbe. Tout le couplet est, du reste, une fine satire de la cour. (G.A.)