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COLETTE.


L’âge, monsieur, ne fait rien à la chose ;
Et, jeune ou non, sachez que je m’oppose
À tout contrat qu’un Mathurin sans foi
Fera jamais avec d’autres que moi.

LE BAILLIF.


Vos oppositions seront notoires.
Çà, vous avez des raisons péremptoires ?

COLETTE.


J’ai cent raisons.

LE BAILLIF.


J’ai cent raisons. Dites-les… Aurait-il… ?

COLETTE.


Oh ! oui, monsieur.

LE BAILLIF.


Oh ! oui, monsieur.Mais vous coupez le fil
À tout moment de notre procédure.

COLETTE.


Pardon, monsieur.


LE BAILLIF.


Pardon, monsieur. Vous a-t-il fait injure ?


COLETTE.


Oh tant ! j’aurais plus d’un mari sans lui ;
Et me voilà pauvre fille aujourd’hui.

LE BAILLIF.


Il vous a fait sans doute des promesses ?

COLETTE.


Mille pour une, et pleines de tendresses.
Il promettait, il jurait que dans peu
Il me prendrait en légitime nœud.

LE BAILLIF, écrivant.


En légitime nœud… quelle malice !
Çà, produisez ses lettres en justice.

COLETTE.


Je n’en ai point : jamais il n’écrivait,
Et je croyais tout ce qu’il me disait.
Quand tous les jours on parle tête à tête
À son amant, d’une manière honnête,
Pourquoi s’écrire ? à quoi bon ?

LE BAILLIF.


Pourquoi s’écrire ? à quoi bon ?Mais du moins.
Au lieu d’écrits, vous avez des témoins ?