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On la respecte avec sa pauvreté.
Elle a chez elle une vieille personne
Qu’on nomme Laure, et dont l’âme est si bonne !
Laure est aussi d’une grande maison.

COLETTE.

Qu’importe encor ?

ACANTHE.

Qu’importe encor ? Les gens d’un certain nom.
J’ai remarqué cela, chère Colette,
En savent plus, ont l’âme autrement faite,
Ont de l’esprit, des sentiments plus grands,
Meilleurs que nous.

COLETTE.

Meilleurs que nous.Oui, dès leurs premiers ans,
Avec grand soin leur âme est façonnée ;
La notre, hélas ! languit abandonnée.
Comme on apprend à chanter, à danser,
Les gens du monde apprennent à penser.

ACANTHE.

Cette Dormène et cette vieille dame
Semblent donner quelque chose à mon âme ;
Je crois en valoir mieux quand je les voi :
J’ai de l’orgueil, et je ne sais pourquoi…
Et les bontés de Dormène et de Laure
Me font haïr mille fois plus encore
Madame Berthe et monsieur Mathurin.

COLETTE.

Quitte-les tous.

ACANTHE.

Quitte-les tous. Je n’ose ; mais enfin
J’ai quelque espoir : que ton conseil m’assiste.
Dis-moi d’abord, Colette, en quoi consiste
Ce fameux droit du seigneur.

COLETTE.

Ce fameux droit du seigneur.Oh, ma foi !
Va consulter de plus doctes que moi,
Je ne suis point mariée ; et l’affaire,
À ce qu’on dit, est un très-grand mystère.
Seconde-moi, fais que je vienne à bout
D’être épousée, et je te dirai tout.

ACANTHE.

Ah ! j’y ferai mon possible.