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ACTE V, ’SCËNE Y. 241

OCTAVE, aprùs un long siloiice.

Je suis le maître de son sort.

Si je n’étais que juge, il irait à la mort ; Je suis fils de César, j’ai son exemple à suivre ; C’est à moi d’en donner… Je pardonne ; il doit vivre. Antoine, imitez-moi : j’annonce aux nations Que je finis le meurtre et les proscriptions ; Elles ont trop duré ; je veux que Rome apprenne.,

ANTOINE.

Que vous voulez sur moi laisser tomber la haine, Ramener les esprits pour m’en mieux éloigner, Séduire les Romains, pardonner pour régner.

OCTAVE.

Non, je veux vous a])prendre à vaincre la vengeance : L’amour est plus terrible, a plus de violence ; À mon âge peut-être, il devait m’emporter ; 11 me combat encore, et je veux le dompter. Commeuçons l’un et l’autre un empire plus juste. Que l’on oublie Octave, et qu’on chérisse Auguste ^ Soyez jaloux de moi, mais pour mieux effacer Jusqu’aux traces du sang qu’il nous fallut verser. Pardonnons à Fulvie, à ces malheureux restes Des proscrits échappés à nos ordres funestes ; Par les cris des humains laissous-nous désarmer ; Et puisse Rome un jour apprendre à nous aimer ^ !

1. C’est de bonne heure qu’Octave prend ici le nom d’Auguste. Suétone nous dit qu’Octave ne fut surnommé Auguste, par un décret du sénat, qu’après la bataille d’Actium. On balança si on lui donnerait le titre d’Auguslus ou de llomulus. Celui d’Augustus fut préféré ; il signifie vénérable, et même quelque chose de plus, qui répond au grec sebastos. Il est bien plaisant de voir aujourd’hui quelles gens prennent le titre de vénérables.

11 paraît pourtant qu’Octave avait de^à osé s’arroger le surnom d’Auguste à son premier consulat, qu’il se fit donner à l’âge de vingt ans, contre toutes les lois, ou plutôt qu’Agrippa et les légions lui firent donner. Ce fut cet Agrippa qui fit sa fortune ; mais Octave sut ensuite la conserver et l’accroître. {Note de Voltaire.)

2. Il est constant que ce fut à la fin le but d’Octave, après tant de crimes. Il vécut assez longtemps pour que la génération qu’il vit naître oubliât presque les malheurs de ses pères. Il y eut toujours des cœurs romains qui détestèrent la tyrannie, non-seulement sous lui, mais sous ses successeurs : on regretta la république, mais on ne put la rétablir ; les empereurs avaient l’argent et les troupes. Ces troupes enfin furent les maîtresses de l’État ; car les tyrans ne peuvent se maintenir que par les soldats ; tôt ou tard les soldats connaissent leurs forces ; ils assassinent le maître qui les paye, et vendent l’empire à d’autres. Cette Rome, si superbe, si amoureuse de la liberté, fut gouvernée comme Alger ; elle n’eut pas même

6. — Théâtre. V. 16