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LE TRIUMVIRAT

TRAGÉDIE

ACTE PREMIER.


Scène I.

(Le théâtre représente l’île où les triumvirs firent les proscriptions et le partage du monde. La scène est obscurcie ; on entend le tonnerre, on voit des éclairs. La scène découvre des rochers, des précipices, et des tentes dans l’éloignement.)

FULVIE, ALBINE.

FULVIE,

Quelle effroyable nuit ! Que le courroux céleste
Éclate avec justice en cette île funeste 1!

ALBINE.

Ces tremblements soudains, ces rochers renversés,
Ces volcans infernaux jusqu’au ciel élancés,
Ce fleuve soulevé roulant sur nous son oncle.
Ont fait craindre aux humains les derniers jours du monde.
La foudre a dévoré ce détestable airain,
Ces tables de vengeance où le fatal burin
Épouvantait nos yeux d’une liste de crimes,

1. Cette île, où les triumvirs commencèrent les proscriptions, est dans la rivière Réno, auprès de Bononia, que nous nommons Bologne. Elle n’est pas si grande qu’elle semble l’être dans cette tragédie, mais je crois qu’on peut très-bien supposer, surtout en poésie, que l’île et la rivière étaient plus considérables autrefois qu’aujourd’hui ; et surtout ce tremblement de terre dont il est parlé dans Pline peut avoir diminué l’une et l’autre. Il y a dans l’histoire plusieurs exemples de pareils changements produits par des volcans et par des tremblements de terre. Ce fut dans ce temps-là même que la nouvelle ville d’Épidaure, sur le golfe Adriatique, fut renversée de fond en comble, et le cours de la rivière sur laquelle elle était située fut changé et très-diminué. {Note de Voltaire.)