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De détourner ma main de cette main sanglante ;
Je garde mes serments.


L’Hiérophante

Libre encor dans ces lieux
Votre main ne dépend que de vous et des dieux.
Bientôt tout va changer : vous pouvez, Olympie,
Ordonner maintenant du sort de votre vie :
On ne doit pas sans doute allumer en un jour
Et les bûchers des morts, et les flambeaux d’amour.
Ce mélange est affreux ; mais un mot peut suffire,
Et j’attendrai ce mot sans oser le prescrire.
C’est à vous à sentir, dans ces extrémités,
Ce que doit votre cœur au sang dont vous sortez.


Olympie

Seigneur, je vous l’ai dit ; cet hymen, et tout autre,
Est horrible à mon cœur, et doit déplaire au vôtre.
Je ne veux point trahir ces mânes courroucés ;
J’abandonne un époux… c’est obéir assez.
Laissez-moi fuir l’hymen, et l’amour, et le trône.

L’Hiérophante

Il faut suivre Cassandre ou choisir Antigone :
Ces deux héros armés, si fiers et si jaloux,
Sont forcés maintenant à s’en remettre à vous.
Vous préviendrez d’un mot le trouble et le carnage
Dont nos yeux reverraient l’épouvantable image,
Sans le respect profond qu’inspirent aux mortels
Cet appareil de mort, ce bûcher, ces autels,
Et ces derniers devoirs, et ces honneurs suprêmes,
Qui les font pour un temps rentrer tous en eux-mêmes.
La piété se lasse, et surtout chez les grands.
J’ai du sang avec peine arrêté les torrents ;
Mais ce sang, dès demain, va couler dans Éphèse ;
Décidez-vous, princesse, et le peuple s’apaise.
Ce peuple, qui toujours est du parti des lois,
Quand vous aurez parlé, soutiendra votre choix :
Sinon, le fer en main, dans ce temple, à ma vue,
Cassandre, en réclamant la foi qu’il a reçue,
D’un bien qu’il possédait a droit de s’emparer,
Malgré la juste horreur qu’il vous semble inspirer.


Olympie

Il suffit : je conçois vos raisons et vos craintes ;
Je ne m’emporte plus en d’inutiles plaintes ;