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L’Hiérophante

Tout est perdu. Les deux rois furieux,
Foulant aux pieds les lois, armés contre les dieux,
Jusque dans les parvis de l’enceinte sacrée,
Encourageaient leur troupe au meurtre préparée.
Déjà coulait le sang ; déjà, le fer en main,
Cassandre jusqu’à vous se frayait un chemin :
J’ai marché contre lui, n’ayant pour ma défense
Que nos lois qu’il oublie, et nos dieux qu’il offense.
Votre mère éperdue, et s’offrant à ses coups,
L’a cru maître à la fois et du temple et de vous :
Lasse de tant d’horreurs, lasse de tant de crimes,
Elle a saisi le fer qui frappe les victimes,
L’a plongé dans ce flanc où le ciel irrité
Vous fit puiser la vie et la calamité.


Olympie

.

Je meurs… soutenez-moi… marchons… Vit-elle encore ?

L’Hiérophante

Cassandre est à ses pieds il gémit, il l’implore :
Il ose encor prêter ses funestes secours
Aux innocentes mains qui raniment ses jours ;
Il s’écrie, il s’accuse, il jette au loin ses armes.

Olympie, Se relevant.

Cassandre à ses genoux !

L’Hiérophante

Il les baigne de larmes.
A ses cris, à nos voix, elle rouvre les yeux ;
Elle ne voit en lui qu’un monstre audacieux
Qui lui vient arracher les restes de sa vie,
Par cette main funeste en tout temps poursuivie :
Faible, et se soulevant par un dernier effort,
Elle tombe, elle touche au moment de la mort ;
Elle abhorre à la fois Cassandre et la lumière ;
Et levant à regret sa débile paupière :
« Allez, m’a-t-elle dit, ministre infortuné
D’un temple malheureux par le sang profané ;
Consolez Olympie. Elle m’aime, et j’ordonne
Que, pour venger sa mère, elle épouse Antigone[1]. »

  1. « L’aspect de CaSsandre, augmentant les maux de nerfs de Statira, écrivait
    Voltaire, rend sa mort bien plus vraisemblable… Bien des gens croient que Statira,
    voyant que sa fille aime Cassandre, s’est aidée d’un peu de sublimé. »