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ANNÉE 1776. 44

Lorsque le Clugny a été reçu à la chambre des comptes, M. de Nicolaï lui a fait un compliment qui était une satire de l’administration précédente. La raison en est que M. Turgot lui a refusé de l’argent pour son frère.

On dit tout haut que tout ce qui compose le ministère sera chassé inces- samment pour faire place à M. de Choiseul.

Je vous embrasse, et vous aime comme vous savez.

9787. — A M. LE GENTIL[1].

A Ferney, 14 juin.

Je ne puis trop vous remercier, monsieur. Le mémoire[2] que vous avez eu la bonté de m’envoyer est si instructif que je vous prie de m’instruire encore. Vous avez deviné la grande énigme des brachmanes : elle ressemble à la période julienne de Scaliger, qu’on aurait prise au pied de la lettre, et dont un philosophe découvrirait la composition.

Ou je me trompe, ou les brames attribuent six cent mille années à leurs quatre jogues. Peut-être qu’en se servant de votre méthode, on pourrait découvrir le mystère de ces siècles. La période serait curieuse. Elle servirait à faire soupçonner du moins pourquoi les Chaldéens, imitateurs des Indiens, prétendirent autrefois avoir des observations de plus de quatre mille siècles.

II est certain que les Indiens furent les premiers de tous les hommes qui connurent la précession des équinoxes. Ils ne se trompèrent que de deux secondes par année. Ne se pourrait-il pas qu’ils eussent calculé une période de six cent mille ans sur la révolution résultante de leur cycle de vingt-quatre mille ans, fondée sur cette précession des équinoxes ?

M. Holwell et M. Dow prétendent qu’on ne peut tirer aujourd’hui ces secrets que du petit nombre de brames qui fouillent à Bénarès dans les ténèbres de leurs antiquités ; mais vous avouez, monsieur, qu’ils sont peu communicatifs, et vous avez la bonne

  1. Guillaume-Joseph-Hyacinthe-Jean-Baptiste Le Gentil de La Galaisière, né à Coutances le 12 septembre 1725, membre de l’Académie des sciences en 1753, alla, en 1760, à Pondichéry pour observer le passage de Vénus sous le disque du soleil. Il est mort le 22 octobre 1792. Il avait fait imprimer la lettre de Voltaire, aux pages 842-44 de son Voyage dans les mers de l’Inde, 1781, in-4o. Cette impression présente quelques variantes que j’ai cru inutile de relever. Je dirai seulement qu’on n’y trouve pas les deux dernières lignes du premier alinéa. (B.)
  2. Premier Mémoire sur l’Inde (dans l’Histoire de l’Académie royale des sciences, 1772, deuxième partie, pages 169-214).