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Je suis toujours inquiet de cette énorme collection dont Panckouke a eu l’imprudence de se charger. Toute ma ressource est dans l'espérance qu’il n’en vendra pas un seul exemplaire. S’il arrivait un malheur, je sentirais vivement la perte de deux ministres qui pensaient comme vous, et qui ont quitté leur place bien mal à propos pour les pauvres philosophes. Mon âme n’est point en paix. Je voudrais hien savoir dans quel état est celle de M. le maréchal de Richelieu : elle doit être ulcérée et bouleversée. Il m’avait mandé qu’il comptait publier un résumé de toute son affaire ; mais, si ce résumé est fait par le même avocat qu’il avait choisi, il vaudrait mieux, à mon avis, ne rien écrire. Le public ne pardonne l’ennui en aucun genre.

Je ne puis finir ma lettre sans vous dire un mot de l’idée qui était venue à M. de Thibouville de faire jouer Olympie. Peut-être que les deux demoiselles Sainval pourraient représenter la mère et la fille ; et je fais réflexion qu’en ce cas je devrais demander que cette pièce ne fût reprise qu’au temps de Fontainebleau, supposé qu’il y ait un Fontainebleau, car je ne voudrais pas perdre mon Lekain pour le mois de juillet. Il n’y a que vous au monde, mon cher ange, à qui j’ose parler de toutes ces futilités. Vous me les pardonnez ; vous êtes ma consolation dans tous les temps et dans toutes mes rêveries. Tous mes chagrins semblent presque s’évanouir, quand je songe que vous daignez m’aimer.


9785. — À MADAME DE SAINT-JULIEN.

2 juin.


Notre belle bienfaitrice, ce n’est pas moi assurément qui suis le patron du village ; c’est bien vous qui êtes la vraie patronne de la colonie. Vous comblez notre architecte de vos bienfaits. Je présume qu’il vous aura mise au fait de l’état brillant et un peu équivoque de notre fondation. Il vous aura dit, sans doute, que votre autre protégé Saint-Géran est devenu un de nos citoyens, et que tous deux achèvent de bâtir et d’embellir un très-joli théâtre sur lequel on donnera des spectacles dans quinze jours ; Saint-Géran même se flattait de faire venir Lekain et Mlle Sainval. Il comptait demander votre protection et celle de M. d'Argental, pour faire venir de Paris ces deux personnes, qui auraient donné tant de gloire à notre pays ; mais j’ai bien peur que de si grandes espérances ne s’évanouissent.

Pendant que nous bâtissons un cirque comme les anciens