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CORRESPONDANCE.

cluses à vos bontés, d’autant plus qu’assurément il n’y a rien dans ces incluses qui puisse compromettre personne. Conservez, monsieur, les sentiments dont vous avez flatté le vieux malade.

9782. — A M. DE LA HARPE.

10 juin.

Mon très-cher confrère, quand les préparatifs de votre réception pourront vous donner un peu plus de loisir, je vous prierai de m’apprendre si, dans la victoire que vous avez remportée, M. Gaillard a été pour vous. Je vous prierai surtout de me dire où est l’intrépide philosophe M. de Condorcet. Est-il à Paris ? n’est-il pas occupé à consoler M. d'Alembert ? Ni eux ni moi ne nous consolerons jamais d’avoir vu naître et périr l’âge d’or que M. Turgot nous préparait.

J’ignore encore ce que va devenir mon pauvre petit pays de Gex, et ce Ferney, dont j’avais fait un séjour charmant. Je ne vois plus que la mort devant moi, depuis que M. Turgot est hors de place. Je ne conçois pas comment on a pu le renvoyer. Ce coup de foudre m’est tombé sur la cervelle et sur le cœur.

Oui vraiment, M. de Trudaine nous faisait l’honneur d’être à Ferney, et daignait se proposer de l’embellir, lorsqu’un courrier lui apporta la fatale nouvelle. Mme de Trudaine et Mme d'Invau avaient amené notre Virgile[1] ; et je ne dirai pas

Virgilium vidi tantum[2],

car je l’ai entendu, et avec très-grand plaisir. Ses vers ressemblent aux vôtres. Voilà l’Académie qui se fortifie. Il faut que M. de Concorcet y entre, et vous serez bien plus forts. Il faudra que les Clément aillent se cacher.

Est-il vrai que l’abbé de La Porte est tuteur des enfants de Fréron ? Pour ce qui concerne la charge de folliculaire, on dit que cette dignité passe de droit au fils aîné de maître Aliboron. Je m’intéresse un peu plus à la justice qu’on rend à M. de Vaines, en lui conservant sa place. Il passe pour un homme d’un grand mérite, et il sent le mérite des autres. Il vous aime véritablement. Je le crois très-lié avec M. de Condorcet. Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. Mais, puisque l’on conserve l’homme

  1. L'abbé Delille.
  2. Ovide, Tristes, livre IV, élégie x, vers 51.