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CORRESPONDANCE.

retraite et du bord de mon tombeau, épargner à jamais au public tous mes écrits aussi malheureux que moi, et toutes les correspondances des personnes qui valaient mieux que moi en tous genres. La véritable gloire appartient au petit nombre d’hommes qui ont ressemblé à monsieur votre père ; ceux qui ne ressemblent qu’à moi doivent être ignorés.

Parmi ceux qui se sont dévoués aux lettres, votre ami s’était distingué par un mérite personnel qui le mettait à l'abri de toutes les horreurs dont j’ai été la victime. Je me suis cru obligé, dans ma dernière maladie, de brûler la plus grande partie de toutes mes correspondances, et d’arracher au moins quelque pâture à la haine et à la malignité. Si j’ai été assez heureux pour conserver quelques-uns de ces légers écrits de M. l’abbé de Voisenon, qui faisaient le charme de la société, je ne manquerai pas de vous les restituer, madame ; tout ce qui est du domaine des grâces vous appartient ; c’est une grande consolation pour moi de pouvoir obéir à quelques-uns de vos ordres.

J’ai l’honneur d’être avec respect, etc.

9779.— A MADEMOISELLE ADÉLAÏDE DE NAR....

Au château de Ferney, 7 juin.

Un vieillard, accablé d’années et de maladies, a reçu deux lettres signées d’une demoiselle de dix-huit ans, accompagnées d’une pièce de vers qui ferait beaucoup d’honneur à un homme de lettres dans la maturité de son âge et de son talent. Ce vieillard n’a pu, jusqu’à présent, marquer son étonnement et sa respectueuse reconnaissance. Il profite d’un moment de relâche que ses douleurs lui laissent, pour féliciter les parents de cette jeune demoiselle d’avoir une fille si au-dessus de son âge. Il lui présente son respect, et sa juste douleur de ne pouvoir lui faire une réponse digne d’elle.

9780. — A M. D'ALEMBERT.

10 juin.

C’est pour le coup, mon cher ami, que la philosophie vous a été bien nécessaire. Je n’ai appris que tard, et par d’autres que par vous, la perte que vous avez faite[1]. Voilà toute votre vie

  1. Mlle de L'Espinasse était morte le 23 mai 1776