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26 CORRESPONDANCli.

9774. — A M. LE MARSQUIS DE CONCORCET[1].

5 juin 177G.

Je vous supplie, mon vrai philosophe, de me dire quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur ; je ne sais que quomodo et quando[2]. Vous et moi, nous sommes bien affligés, et une de mes douleurs est de mourir sans vous voir.

Écrivez-moi, je vous en conjure, par votre digne ami M. de Vaines.

Le vieux malade de F V,

9775. — A M. DE VAINES[3].

5 juin.

Je suis presque consolé, monsieur ; on vous rend justice, et vous pouvez dire : Uno avulso, non déficit alter. Il y a quelque temps que je pris la liberté d’écrire à monsieur le grand chancelier d’Angleterre pour un procès assez considérable qu’un homme de ma colonie est obligé de poursuivre à Londres. Je fus très étonné de recevoir deux lettres consécutives de M. le grand chancelier, contre-signées Turgot. Je demandai à M. Dupont l’éclaircissement de cette aventure. Je n’ai point eu de réponse. Oserai-je vous supplier de vouloir bien en faire souvenir M. Dupont, si vous le voyez.

Je suis enchanté que vous conserviez votre place, et que M. Turgot conserve sa philosophie. II a ou la bonté de m’écrire une lettre dans laquelle j’ai reconnu toute sa belle âme. Le triomphe de M. de La Harpe contribue aussi beaucoup à ma consolation ; mais je m’afflige avec M. d'Alembert, et je crains que M. le marquis de Condorcet ne soit trop en colère. On m’assure que votre esprit conciliant vous a attiré tous les cœurs, comme votre probité a subjugué tous les esprits. Mon cœur et mon esprit se mêlent dans la foule.

Je ne sais où est M. de Concorcet ; mais permettez-moi de mettre ce petit billet dans votre paquet.

Conservez-moi vos bontés ; elles sont chères au vieux malade de Ferney.

  1. Œuvres de Condorcet, tome Ier ; Paris, 1847.
  2. Ce que Voltaire désire savoir, ce sont les circonstances du renvoi de Turgot, qui quitta le ministère le 11 mai 1776 et fut remplace par M. de Clugny.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.