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48 CORRESPONDANCE.

mot ? puis-je m’adresser à vous pour faire passer ce billet[1] ? Je suis atterré et désespéré.

9765. — A M. MARIN[2].

17 mai.

Vous voyez, monsieur, qu’il y a une Providence ; non-seulement j’ai enterré dans la même année La Beaumelle et Catherin Fréron, mais j’ai reçu une invitation de me trouver aux obsèques de Catherin. Une femme, qui est ou sa veuve on sa proche parente, m’a écrit une lettre anonyme assez bien faite pour me prier, non-seulement de pardonner au défunt, mais encore de marier sa fille, attendu que j’ai marié la petite-fille de Corneille. J’ai répondu que si Catherin Fréron est l’auteur du Cid et de Cinna, je doterai sa fille sans difficulté.

Il n’y a pourtant pas d’apparence que j’aille à Paris pour faire la noce : je suis trop vieux et trop malade ; mais je donnerai ma procuration à M. l'abbé Sabatier. Si je pouvais faire le voyage, ce serait pour vous embrasser. J’aimerais bien mieux souper avec vous que de marier Mlle Fréron.

9766. — A FRÉDÉRIC,
landgrave de hesse-cassel.

18 mai.

Monseigneur, je vous avoue que je suis bien étonné. J’avais cru jusqu’ici que Votre Altesse sérénissime se bornait à estimer, à protéger ceux qui donnent d’utiles conseils aux princes. Je viens de lire un petit écrit[3] dans lequel un prince souverain les instruit de leurs devoirs avec autant de noblesse d’àme qu’il les remplit. Celui qui disait autrefois que pour former un bon gouvernement il fallait que les philosophes fussent souverains ou que les souverains fussent philosophes avait bien raison. Vous voilà philosophe, et si je n’étais pas si vieux, je viendrais me mettre aux pieds de votre philosophie sérénissime. Les seigneurs Cattes vos prédécesseurs, ceux qui battirent Varus, ceux qui bravèrent si longtemps Charlemagne, n’auraient jamais écrit ce que je viens de lire. Le siècle où nous sommes sera célèbre par ce pro-

  1. Je ne sais s'il s'agit de la lettre précédente (B).
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. Pensées diverses sur les princes (par le landgrave de Hesse-Cassel), Lausanne, 1776, in-8o de dix-neuf pages ; voyez les lettres 9773 et 9790.