Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome50.djvu/24

Cette page n’a pas encore été corrigée

14 CORRESPONDANCE.

de Prusse en faveur de Lekain, il n’y a pas moyen de faire de nouveaux efforts. Il ne m’a rien répondu sur cet article ; il se fâche quand on lui propose, pour la seconde fois, des choses qui ne sont pas de son goût. Il faut prendre les rois comme ils sont. Ce qu’il y a de pis pour Lekain, c’est qu’il prétend avoir sujet de se plaindre de ses camarades encore plus que des rois.

On dit que Mlle Dumesnil s’est enfin retirée ; mais qui pourra la remplacer ? Se vo, chi sta? Se sto, chi va?

Il faut, mon cher ange, que je vous parle d’autre chose. On me mande que le roi a rayé lui-même le chevalier de Boufflers du nombre des colonels[1] ; je ne puis le croire. Quel fondement y aurait-il à cette historiette ? On fait mille contes dans Paris, et je ne crois que ce que vous me dites.

Le gros abbé[2] et sa sœur[3] sont infiniment sensibles à votre souvenir ; et moi, je me mets plus que jamais à l’ombre de vos ailes. Je suis désespéré d’en être si loin.

9760. — A M. MOULTOU[4].

Ferney, 12 mai.

Je vous renvoie, mon cher philosophe, la lettre de votre grand vicaire. J’y joins un imprimé que vous serez peut être bien aise de garder. J’en ai reçu un exemplaire de la part de l’avocat. Cette pièce me paraît ce qu’on pouvait faire de mieux en faveur de la loi naturelle contre la loi arbitraire du despotisme. Il me paraît que les choses sont bien changées depuis l’horrible aventure des Calas ; l’excès du fanatisme a servi enfin à faire triompher la raison. On aura beau appeler d’un jugement si juste ; les hommes vertueux et instruits qui composent le conseil casseraient plutôt les lois barbares qui subsistent encore.

Je suis bien étonné qu’un homme qui paraît plein d’esprit et de goût ait pu se tromper à ces misérables lettres, imputées au bon pape Ganganelli. Chaque ligne en décèle le faussaire. On sait assez que c’est un nommé Caraccioli, né Français, qui a pris un nom italien. C’est lui qui avait fait, il y a quelques années, l’histoire de Mme de Pompadour. 11 vit depuis longtemps de ses mensonges littéraires. Ces sottises trompent quelque temps les

  1. C’est aussi ce que dit Grimm dans une note de sa Correspondance, avril 1776.
  2. Mignot
  3. Mme Denis
  4. Éditeur, A. Coquerel.