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ANNÉE 1776. 9

qui s’efforcent de gâter l’ouvrage de ces maîtres inimitables. Ainsi, après que Newton a découvert la nature de la lumière, arrive un Castel, qui veut enchérir, et qui propose un clavecin oculaire.

A peine a-t-on découvert, avec le microscope, un nouveau monde en petit, que voilà un Needham qui imagine avoir fait une république d’anguilles, lesquelles accouchent sur-le-champ d’autres anguilles, le tout dans une goutte de bouillon ou dans une goutte d’eau qui a bouilli avec du blé ergoté. Les animaux, les végétaux, sont produits sans germe, et, pour comble de ridicule, cela est appelé le sublime de l’histoire naturelle.

Sitôt que de vrais philosophes eurent calculé l’action du soleil et de la lune sur le flux et le reflux des mers, des romanciers, au-dessous de Cyrano de Bergerac, écrivent l’histoire des temps où ces mers couvraient les Alpes et le Caucase, et où l’univers n’était habité que par des poissons. Ils nous découvrent ensuite la grande époque dans laquelle les marsouins, nos aïeux, devinrent hommes, et comment leur queue fourchue se changea en cuisses et en jambes. C’est là le grand service que Telliamed[1] a rendu depuis peu au genre humain. Ainsi, monsieur, dans tous les arts, dans toutes les professions, les charlatans succèdent aux bons maîtres ; et fasse le ciel que nous n’ayons jamais de charlatans plus funestes !

Puisse votre projet être exécuté ! puissent tous les génies qui ont décoré le siècle de Louis XIV reparaître dans la place de Montpellier, autour de la statue de ce roi, et inspirer aux siècles à venir une émulation éternelle ! etc.

9754. — A M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC[2].

3 mai.

Le vieux malade, qui n’est plus bon à rien dans ce monde, y tient encore, mon cher marquis, par le tendre intérêt qu’il prend à tout ce qui vous regarde. Il se souvient très-bien d’avoir fait sa cour autrefois à la mère de madame votre belle-fille. Il se souvient que cette mère était très-aimable. Vous me paraissez heureux dans tout ce qui vous entoure. Les Anglais que vous m’avez adressés étaient enchantés de votre habitation, de la vie que

  1. Voyez tome XXI, pages 186, 331 ; XXVII, 185.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.